mercredi 30 novembre 2016

Michèle Torr chante Noël


Michèle Torr a chanté l’amitié, la famille, la tendresse… Elle a également chanté Noël durant les 5 décennies de sa carrière d’artiste. Elle a déclaré au moment de la sortie de son CD Chanter c’est prier que sa maison de disque lui avait demandé d’enregistrer un album de chansons de Noël. Qu’elle leur avait répondu, préférant proposer un disque de chansons «spirituelles » évoquant la Foi et l’Amour, qu’elle l’avait déjà fait. Ce n’est pas tout à fait exact, bien qu’elle ait  parlé de Noël, en effet, dans un certain nombre de ses chansons. Un thème que nous vous proposons d’évoquer, avec elle,  pendant toute la période de l’Avent. L’Avent est le moment durant lequel les chrétiens se préparent intérieurement à célébrer Noël…Alors allumons une flamme dans nos yeux et continuons à soutenir Michèle aussi bien dans sa tournée intimiste que dans celle des Eglises ; suivons l’étoile dans le ciel, celle qui mène ceux qui cherchent au bout de leur périple; écoutons battre notre cœur, car l’attente n’est pas vaine quand on espère une rencontre…


La première fois que Michèle Torr a parlé de Noël dans l’une de ses chansons, c’était en 1968, dans Ce que veut dire aimer :
« Rebroder chaque jour
Les draps bleus de l’amour
Pour que tourne toujours
La ronde
Des serments éternels
Des contes de Noël
Qui font briller le ciel
Du monde ».


Ensuite, sur l’album Un disque d’amour… et en face B d’Un enfant c’est comme ça, il y a eu Paul, en 1973 :
« Bientôt tu déposeras un agneau
Au fond de la crèche
A Noël », dit-elle à un frère imaginaire resté vivre à la campagne. La ville, lieu de la vie trépidante et du stress, s’y oppose à l’innocence rurale. Candeur hippie du début des années 70.


Il y a eu aussi, sur le même album, alors qu’Emilie, sa fille, venait de naître, en écho à Un enfant c’est comme ça, La voix d’un enfant :
« C’est la voix d’un enfant
Qui croyait en Noël
Qui rêvait tendrement
Que la vie était belle ».
Moins candide : la beauté de la vie ne serait parfois plus qu’un rêve…


*


Michèle Torr a, en 1976, consacré une chanson entière au Père Noël, Il viendra. Une vision heureuse encore de Noël, mais dans laquelle viennent se glisser quelques remarques au goût d’orange amère :
« Il viendra 
Dans le froid
Ou bien dans la neige
Un enfant me l’a dit
Alors je le crois…
Il viendra
Pour offrir à tous ceux qu’il aime
Le bonheur que plus tard
Certains n’auront pas…
Il viendra
Dieu merci
Ce n’est pas un rêve
Les enfants ne jouent pas
Avec ces choses-là
Il peut changer le monde
Rien que pour un soir
Offrant à chacun
Quelques heures d’espoir
Tout habillé de rouge
Et sans faire de bruit
Il donne toujours
Ce qu’il a promis
Il viendra
Mais pourtant
Si je me rappelle
Notre porte
Ce soir-là
Ne s’ouvrira pas… »
Est-ce pour dire que c’est tromper les enfants que de ne pas leur dire que, plus tard, ils risquent bien de ne pas être tous heureux ?
Est-ce pour dire que « lui », au moins, « il » tient ses promesses, alors que, souvent, nous, nous ne les tenons pas ?
Est-ce pour avouer aux enfants qu’ « il » n’existe pas et ne risque donc pas d’ouvrir la porte pour apporter ses présents, ou bien pour dire que, cette porte, nous ne l’ouvrons pas, ce jour-là non plus,  à ceux que nous pourrions accueillir ?
Que c’est beau, l’espoir, même si l’on sait bien qu’il se nourrit de chétive pâture.


Sur son album J’aime sorti à l’automne 1977, qui est probablement celui auquel elle pense quand elle dit avoir enregistré déjà un disque de chansons de Noël, alors qu’il contient J’aime, le titre phare qui fut l’un des tubes de… l’été précédent, et d’autres chansons qui n’en parlent absolument pas, on retrouve des reprises de Petit Papa Noël de Tino Rossi et de Mon beau sapin, toutes deux sorties à la même période en quarante-cinq tours. 


On aperçoit par ailleurs la chanteuse interprétant Petit Papa Noël dans un épisode de Maigret, avec Jean Richard, dans une émission de télé que le célèbre commissaire serait en train de regarder. Episode très régulièrement rediffusé en période de fêtes de fin d’année.


Noël est aussi évoqué dans Nos arrière-grands-parents :
« Un hiver à la place de l’été
Des Noëls par un temps printaniers
Un bonheur presque imaginé
Et voilà notre temps
Qu’auraient dit nos arrière-grands-parents ? »
Prémices, peut-être, sous la plume de l’auteur de la prise de conscience du réchauffement climatique qui allait très vite commencer à accélérer?
Noël encore dans Dis-moi mon Dieu, vibrante prière, sur un air de Schubert, où il est question des enfants malheureux quand, pour eux, le Père Noël ne passera pas. Pour dénoncer les injustices sociales dont sont aussi victimes les plus jeunes.  La plus belle, la plus émouvante.
« Dis-moi mon Dieu
Pourquoi mon Dieu
Y a-t-il des enfants
Sans joie un vingt-cinq décembre
Dis-moi mon Dieu
Pourquoi mon Dieu
Il y en a tellement
Qui pleurent tout seuls dans leur chambre
Et pourtant, dans leurs prières
Un peu avant minuit,
Que d'enfants dans leur misère
A genoux te supplient
Dis-moi mon Dieu
Pourquoi mon Dieu
Sont-ils si malheureux
Si malheureux ».
(Paroles de Jean Albertini et Raymond Bernet).
Ces deux disques, quarante-cinq tours et trente-trois tours, avaient aussi un visuel hivernal où les photos montraient une chanteuse frileuse vêtue de manteaux de fourrure, souriante pour le quarante-cinq tours, grave pour l’album.
span>à ceux que nous pourrions accueillir ?

Que c’est beau, l’espoir, même si l’on sait bien qu’il se nourrit de chétive pâture.


*


L’année suivante, en 1978, il est à nouveau question de Noël dans La séparation, c’est la voix d’une mère s’adressant à son ex-mari, au sujet de leur fils dont on entend quelques phrases, parlées:
« Il est resté naturel
Déjà il pense à Noël
Il aime la vie
Comme toi ».
Noël, un moment privilégié, qui crucifie les enfants des couples séparés qui ne peuvent à la fois passer ce moment avec leur père et leur mère…
On retrouvera le même thème en 1995, dans Divorce sur l’album A nos beaux jours : le petit Serge n’a pas encore compris que, pour ses parents,  c’est « l’heure de la séparation » :
« Regarde il rit
Il croit qu’il va fêter
Noël chez sa grand-mère »,
alors qu’il s’agit de l’éloigner, pour le protéger.  


Plus joyeux mais quand même nostalgique, Discomotion en 1979, par l’ami C. Jérôme :
« Où sont-ils mes amis d’autrefois ?
Ils sont tous mariés sans problème
On s’écrit à Noël aux baptêmes… »
On s’écrit, et parfois même, on se retrouve. 


Festif, le Noël de Provence dont Michèle Torr se souvient dans Le Pont de Courthézon en 1980, en face B de Pendant l’été puis sur l’album suivant:
« Une région de France
Où même à la Noël
C’est comme les grandes vacances
Tu te rappelles… ».


Et du Noël provençal, il sera encore question en 1988, avec le livre La cuisine de ma mère, dans lequel la chanteuse donne ses recettes personnelles des plats de Noël et en particulier des treize desserts. Ce livre sera réédité avec des photos inédites en 1996.

De Noël, voici ce qu’elle écrit dans le chapitre Noël en Provence:
En Provence, la Noël commence le jour de la Sainte Barbe. Les enfants font germer des grains de blé, des lentilles et même des haricots blancs. Toutes les pousses vertes obtenues fourniront chaque jour l’herbe de la crèche entre le 24 et le 31 décembre.
Pour moi, petite fille, c’était la fête de mon grand-père qui ne s’appelait pourtant pas Barbe, mais Emile Balbo. On l’a toujours appelé le père Barbe, donc on lui fêtait sa fête ce jour-là, quand on faisait germer.


Vers le 15 décembre, les enfants vont sur les marchés chercher las santons qui manquent à leur crèche. Ces petites figurines sont en bois sculpté ou le plus souvent en argile. Merveilleusement peintes et très colorées, elles sont vêtues de costumes provençaux du XIXe siècle. Elles représentent les personnages traditionnels de la Nativité. La plupart apportent des offrandes sous forme de nourriture : femme à la poule, femme au fagot, l’homme à l’oie, la poissonnière porte sous chaque bras un panier chargé de poissons, le boulanger apporte la pompe à huile. Chez M. Deymier, le santonnier de Mérindol, j’ai complété la crèche de mon enfance.
Dans certains villages comme à Séguret, il y a une crèche vivante pour la messe de minuit et, autre particularité, les recettes des plats de la veillée sont inscrites sur des tableaux dans le village.
La tradition exige que le réveillon soit un en-cas pour aller jusqu’à l’église et patienter jusqu’à minuit. Le repas débute par une salade de céleri à l’anchoïade et se poursuit souvent par le grand aïoli.
A Marseille, on mange encore traditionnellement le gratin de cardes ou des salsifis en sauce blanche.

Dans la Drôme, c’est la soupe de crouzets (petits carrés de pâtes cuits dans un bon bouillon).



Puis le dîner se poursuit par les treize desserts : symbole du Christ est des douze apôtres. Bien sûr la pompe à huile, car sans elle il n’y aurait pas de Noël, le nougat noir, le nougat blanc, les mendiants: amandes, figues, noisettes, raisins secs, dattes, puis les fruits frais bien mûris depuis l’automne : poires, raisins, grenades, melon d’hiver et bien sûr des confiseries : calissons, fruits confits d’Apt, pâtes de coings.

Dans la Drôme, on sert aussi des tartes aux fruits et à Carpentras, la tarte d’épinards sucrée.

Toutes ces bonnes choses font patienter jusqu’à minuit.

Au retour de la messe, il était, autrefois, traditionnel de manger du boudin, aujourd’hui il est remplacé par la dinde rôtie.


Dans beaucoup de villages, les vieux Provençaux racontent leurs souvenirs des noëls passés. La bûche qui était choisie bien grosse pour durer dans l’âtre trois nuits de suite. L’aïeul de la famille trempait une branche de céleri dans le vin cuit et en arrosait la bûche. Quand le vin crépitait sous les flammes, il appelait les disparus pour qu’ils participent eux aussi à la fête et disait en provençal : « Ah ! Seigneur, faites que si l’on n’est pas plus l’an prochain, on ne soit pas moins ».

Le couvert était dressé sur trois nappes blanches pour rappeler la Trinité et le dîner commençait obligatoirement par le céleri à l’anchoïade, réputé pour donner de la vigueur aux messieurs. Tradition que l’on respecte toujours aujourd’hui. »
Michèle TORR, La cuisine de ma mère, Michel Lafon, 1988, et Les Presses du Midi, 1996.


*

Pour en revenir à la chanson, sur le même album que Le pont de Courthézon, Lui, en 1980, franchement mélancolique, N°1 avenue de la solitude, la supplique d’une « petite-fille » devenue adulte qui, vivant loin de sa famille,  écrit à sa grand-mère pour se plaindre de la solitude :
« Je viendrai pour la Noël
Mais j’attends de tes nouvelles
Mamie écris-moi
Ecris-moi… ».


L’une des plus touchantes. En 1987, c’est avec beaucoup de pudeur que Michèle Torr évoque la mort de sa mère sur son album I remember You. Car on sait que sa maman, qu’elle chante aussi dans Les mots pour te dire, sur ce même album, est décédée dans un accident de voiture en décembre 1965, trois jours après Noël, alors que la jeune chanteuse venait de passer quelques jours auprès des siens, en Provence, et qu’elle chantait, ce soir-là, à Marseille, en première partie de Claude François, qui fut le témoin de son « plus grand chagrin » (On aurait pu s’aimer d’amour, 2008)… 
Quand on sait cela, on comprend mieux le poids de ces mots-là :
« A la Noël
Maman était très belle
Comme la poupée au pied du sapin vert
Dis-moi pourquoi
Je n’aime plus les Noëls
Ni les fêtes ni les anniversaires…
Dis-moi pourquoi
Je n’aime plus les Noëls
La vie passe et rien n’est plus pareil… »,
Fleur de mai, 1987.


« Un prospectus pour les Seychelles
Tombé d’un arbre de Noël »,
 se trouve dans Le sac d’une femme déçue par son homme « toujours plein de promesses » (Histoire d’aujourd’hui, 1983), en 1997.
mmes un peu tristes bien sûr, mais tellement heureux….



 « Si quelqu’un t’interroge toi tu lui parleras
De la robe dans ma loge du café moitié froid
Si quelqu’un te demande si j’ai peur ou j’ai froid
Dis-leur que ces guirlandes sont mes Noëls à moi»,
Avant d’être chanteuse, 2011.
…Ainsi sont les Noëls d’une artiste, dont les contraintes l’obligent parfois à sacrifier sa propre vie pour apporter certains soirs un peu du bonheur aux autres…L’envers du décor.


*


« J’ai vu pleurer un soir de Noël
Un inconnu qui cherchait le Ciel… »,
Dans ma vie, 1986.
Car Noël, fête païenne, fête des enfants, est d’abord une fête religieuse…
 Michèle Torr a aussi chanté Noël lors de sa Tournée des Eglises, en 2015 et en 2016 : on retrouve sur son album Tout l’amour du monde, exclusivement en vente sur son site internet www.micheletorr.com, deux reprises, Douce nuit
 « Douce nuit, sainte nuit
Dans les cieux l'astre luit.
Le mystère annoncé s'accomplit
Cet enfant sur la paille endormi,
C'est l'amour infini 
C'est l'amour infini 
Saint enfant, doux agneau
Qu'il est grand ! Qu'il est beau !
Entendez résonner les pipeaux
Des bergers conduisant leurs troupeaux
Vers son humble berceau
Vers son humble berceau
C'est vers nous qu'il accourt,
En un don sans retour
De ce monde ignorant de l'amour,
Où commence aujourd'hui son séjour,
Qu'il soit Roi pour toujours !
Qu'il soit Roi pour toujours !
Quel accueil pour un Roi !
Point d'abri, point de toit !
Dans sa crèche il grelotte de froid
O pécheur, sans attendre la croix,
Jésus souffre pour toi  x2
Jésus souffre pour toi 
Paix à tous ! Gloire au ciel !
Gloire au sein maternel,
Qui pour nous, en ce jour de Noël,
Enfanta le Sauveur éternel,
Qu'attendait Israël ! 
Qu'attendait Israël ! » x2
Douce nuit, sainte nuit.


…et surtout le très beau Noël de la rue d’Edith Piaf,  entre La petite fille aux allumettes, de Hans Christian Andersen et Les effarés, d’Arthur Rimbaud.

« Petit bonhomme où t'en vas-tu
Courant ainsi sur tes pieds nus
- Je cours après le Paradis
Car c'est Noël à ce qu'on dit...
Le Noël de la rue
C'est la neige et le vent
Et le vent de la rue
Fait pleurer les enfants
La lumière et la joie
Sont derrière les vitrines
Ni pour toi, ni pour moi
C'est pour notre voisine
Mon petit, amuse-toi bien
En regardant, en regardant
Mais surtout, ne touche à rien
En regardant de loin...
Le Noël de la rue
C'est le froid de l'hiver
Dans les yeux grands ouverts
Des enfants de la rue
Collant aux vitres leurs museaux
Tous les petits font le gros dos
Ils sont blottis comme des Jésus
Que Sainte Marie aurait perdus...
Le Noël de la rue
C'est la neige et le vent
Et le vent de la rue
Fait pleurer les enfants
Ils s'en vont reniflant,
Ils s'en vont les mains vides
Nez en l'air et cherchant
Une étoile splendide
Mon petit, si tu la vois
Tout en marchant bien droit
Le Noël de la rue
C'est au ciel de leur vie
Une étoile endormie
Qui n'est pas descendue... »
Le Noël De La Rue.
Celle-ci, elle a décidé de la reprendre, cette fois  accompagnée d’un accordéon, aussi bien pour son spectacle intimiste que pour la suite de sa tournée des Eglises…


« …une étoile endormie qui n’est pas descendue… ». 
 La petite fille aux allumettes de Hans Christian Andersen se termine quand l’enfant aperçoit dans le ciel une étoile filante, sans savoir que, cette fois, c’est elle-même dont l’âme monte vers Dieu.
Mais s’il faut que, pour venir jusqu’à nous, bien vivantes, des étoiles descendent un peu, nous en sommes un peu tristes bien sûr, mais tellement heureux….

*




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