mardi 30 mai 2017

Michèle Torr chante… la mort.


« Elles sont comme ces miroirs qui reflètent le temps
De nos premiers baisers au tout dernier printemps »,
Toutes les chansons ont une histoire, 2002.
On peut mourir à la fin de l’été alors qu’on est né au cœur de l’hiver. On peut naître à la fin de l’automne, et mourir aux premiers jours du printemps …
Je l’avais annoncé, et c’est comme une promesse que j’aurais faite, à Eric, que je ne peux que tenir.
Après,
« Chante la vie chante
Comme si tu devais mourir demain… »,
promis, un jour ou l’autre, c’est de la vie que je parlerai,  et de la joie et du bonheur, car eux aussi Michèle Torr les a chantés, même si elle ne le dit pas dans Je ne veux chanter que l’amour, dont les paroles sont une sorte de fil d’Ariane que l’on suit depuis quelques mois, pour ne pas se perdre dans les méandres du répertoire de la chanteuse, riche désormais de près de cinq cents chansons. Mais maintenant, alors que nous sommes en plein printemps et que les premières roses blanches sont en train d’éclore dans les jardins,
« rien de plus que ma promesse »,
c’est de la mort que nous allons parler. Et ce jusqu’aux portes de l’été.
Non, la mort n’est pas triste, la mort fait partie de la vie…
Enfin, c’est ce qu’on dit.
Un cliché, un lieu commun…
Mais c’est dans les lieux communs qu’on se retrouve et qu’on se rafistole un peu le cœur quand il est fendu.
Alors, pourquoi pas?
« Pleurer ça fait partie de notre vie et pourquoi pas ?»
Les choses de la vie, 1987,
Michèle Torr chante la mort…
Je ne pense pas qu’elle m’en voudra, elle que l’on dit préoccupée de spiritualité, intéressée par les expériences concernant la vie après la mort…
Mais qu’est-ce que je dis?
L’écouter chanter la mort, ce sera peut-être mettre un peu de baume sur une plaie encore vive. Amadouer le chagrin.
Entendez, un peu de Bleu, un peu de blues
Non, ce n’est pas une vraie chronique, elle n’est en rien en lien avec l’actualité de « notre artiste » comme il aimait à l’appeler.
C’est seulement un hommage.
A Eric.


Parler de la mort, c’est parler d’un départ. Vers un ailleurs, vers un autre monde.
C’est ainsi que l’on dit souvent, que quelqu’un «est parti… »
Doux euphémisme que de parler de voyage pour parler de la mort.
Mourir c’est donc partir, Partir un jour,  changer de rêve, changer de vie, c’est s’en aller, pour ailleurs et pour toujours.

S’en aller

Les lumières du Ciel
Caressent mes yeux
Juste une aquarelle
Sur un fond bleu
Et je vais sur les chemins
Et je vais sans penser à demain
Un soleil m’appelle
Sous la Croix du Sud
Tout semble immortel
Comme un prélude
Et je laisse faire le destin
Et je laisse se lever le matin
Dieu qu’on est bien
Sans rien

S’en aller partir et chercher
Un bonheur essentiel
S’en aller partir et trouver
Un bien-être réel

Les lueurs du jour
S’étalent comme un rêve
Un peu de toujours
Que rien n’enlève
Et je vois la vie revivre
Et je crois à tout ce qui délivre
C’est fou comme la vie
Peut nous dérouter
C’est fou comme l’envie
Peut tout rattraper

S’en aller partir et chercher
Un bonheur essentiel
S’en aller partir et trouver
Un bien-être réel

Les lumières du Ciel
Caressent mes yeux
Rien d’artificiel
Rien que du bleu
Et je pars à l’aventure
Et je pars découvrir la nature
Dieu qu’on est bien
Sans rien

S’en aller partir et chercher
Un bonheur essentiel
S’en aller partir et trouver
Un bien-être réel
S’en aller partir et chercher
Un bonheur essentiel
S’en aller partir et trouver
Un bien-être réel
S’en aller partir et chercher
Un bonheur essentiel


S’en aller est une chanson qui parle d’une envie de changement, d’un nouveau départ, d’une nouvelle vie, sûrement, mais une majuscule au mot «ciel» et tout est tout différent. Le paysage décrit ressemble à celui qu’évoquent ceux qui ont fait l’expérience d’une mort imminente. Alors n’est-ce pas cela, la mort, un paysage céleste, tout baigné de lumière, dominé par le bleu, un paysage d’eau et de feu mais doux comme une caresse; le début d’une existence dont on sait désormais qu’elle ne finira jamais, au cœur  de laquelle nulle crainte ne peut persister, au creux de laquelle on n’a plus qu’à s’abandonner ?
Un paysage divin, où Dieu ne serait plus une question mais une présence, sous le signe de la croix.
Si c’est cela la mort, alors il n’y a plus lieu d’avoir peur, on peut regarder se lever le matin, on peut laisser faire le destin...
Si c’est cela la mort, alors c’est peut-être en effet le lieu du « bonheur essentiel », le lieu du « bien-être réel ». 
Une délivrance, plus qu’une déroute.
Si c’est là qu’il se trouve,
celui qui est parti,
celui qui s’en est allé,
celui qui est mort,
comme il doit y être bien ;
et si mourir est une aventure, un aller sans retour pour un monde d’une autre nature, Dieu, que cela doit être bien de se retrouver là, sans rien…
Alors c’est cette chanson-là qui s’est imposée, pour accompagner, jusqu’au bout du chemin, aussi loin que possible, celui qui partait, en un brûlant jour de printemps…
Pour parler de la mort, un jour de grand chagrin, une chanson heureuse.
Un seul vœu: que là-bas, sur la rive du fleuve, dans la minuscule chambre où ont été déposées ses cendres, où qu’il soit: que cela lui ait plu.


Notre amour n’est pas mort, c’est la première chanson de Michèle Torr qui parle de la mort, mais c’est d’abord une chanson qui parle d’amour. Car l’amour et la mort sont étroitement liés, que ce soit dans les tragédies de l’Antiquité ou de l’âge classique, dans les drames romantiques comme dans les poèmes. Depuis l’aube des temps et partout dans le monde. Et aussi dans les chansons.
« Et les fantômes se taisaient…
C’était dans une autre vie
A quelques aurores d’ici… »,
Le château des grisailles, 1984.
Sur les Hauts de Hurlevent, les fantômes d’Heathcliff et Catherine Earnshaw errant sur la lande, romantisme au féminin, romantisme au masculin…
« Quand j’ai le cœur rouge et noir
Prêt pour une autre histoire
Qu’un roman me rappelle
Une aventure nouvelle »,
Je suis love, 1988,
L’amour et la mort, Le rouge et le noir, c’est le roman, signé Stendhal, racontant les amours de Julien Sorel et madame de Rênal…


Les héros romantiques, Michèle Torr en a chanté d’autres…
 « On jouait La Strada pour moi aussi »,
Mélancolie femme, 1981.
« En Italie, Zampano, un rustre costaud, forain ambulant spécialisé dans des tours de force, «achète », à une mère misérable, la gentille Gelsomina, une fille lunaire. Voyageant sur les routes dans une pauvre carriole au gré des humeurs de Zampano, Gelsomina seconde celui-ci lors de son grand numéro de briseur de chaînes. Le reste du temps, Zampano la traite comme bonne à tout faire sans lui accorder plus d’attention. À l’occasion d’une de leurs étapes, Gelsomina est fascinée par le gracile « Fou » et son dangereux numéro de funambule. Mais pour une raison non connue Zampano est en conflit avec le Fou et l'intérêt qu'il porte à la jeune fille agace Zampano. Une dispute éclate entre les deux hommes au cours de laquelle Zampano tue accidentellement son rival puis maquille le meurtre en accident. Choquée, Gelsomina bascule dans la folie et Zampano finit par l'abandonner. Quelques années plus tard, en entendant une jeune femme chanter la chanson favorite de Gelsomina, il apprend la mort de cette dernière. Pour la première fois de sa vie, le colosse s'effondre en larmes sur la plage ».


« Vous croyez être Roméo et Juliette
Mais demain vous ne serez plus rien peut-être
Ton ciel deviendra l’enfer
Dans ton cœur
Tu n’y verras plus clair »,
Prends et donne, 1967.
« Un vieux piano mécanique
Garde au cœur de son rouleau
La rengaine nostalgique
Que chantaient Juliette et Roméo »,
On s’aimera un peu beaucoup, 1970. 
« Il était une fois Mayerling ou Venise… »,
De l’amour, 1981.
Tout le monde connaît l’issue tragique des amours des personnages shakespeariens Roméo et Juliette, et La Mort à Venise de Thomas Mann…
« Gustav von Aschenbach est un écrivain munichois reconnu (et anobli) dans la cinquantaine. Troublé par une mystérieuse rencontre lors d'une promenade, il part en voyage sur la côte adriatique et finit par aboutir à Venise, une ville dans laquelle il ne s'est jamais senti à l'aise. Dans son hôtel du Lido (le Grand Hôtel des Bains), Aschenbach découvre Tadzio, un jeune adolescent polonais qui le fascine par sa beauté. Il n'ose l'aborder et le suit dans la ville de Venise. Aschenbach, en proie à une sombre mélancolie et une sorte de fièvre dionysiaque, succombe à l'épidémie de choléra asiatique qui fait alors rage dans la ville. Il meurt sur la plage en contemplant une dernière fois l'objet de sa fascination ».
« Le drame de Mayerling est un événement qui se déroule le 30 janvier 1889 : l'archiduc héritier d'Autriche Rodolphe, marié depuis 1881à la princesse Stéphanie de Belgique, fils de l'empereur François-Joseph Ier d'Autriche et de l'impératrice Élisabeth, dite « Sissi », est retrouvé mort en compagnie de sa maîtresse, la baronne Marie Vetsera, dans son pavillon de chasse de Mayerling. Leur suicide ne fait aucun doute, mais, étant donné le caractère scandaleux d'une telle fin, le gouvernement et l'empereur tentèrent de le cacher, ce qui a donné naissance à toute une littérature romantique »… et à un film, entre autres, de Terence Young, avec Catherine Deneuve et Omar Sharif.


« La maîtresse du lieutenant français
Ne savait plus ce qu’elle disait
Et sur les Hauts de Hurlevent
Aucun fantôme ne l’attend
La princesse de Clèves en mourait
De ces amours à l’imparfait
Madame Bovary s’en moquait
Scarlet O’Hara en pleurait…
Le romantisme au féminin
C’était un baiser sur la main
Quand George Sand aimait Chopin
En prose ou en alexandrins…
Moi je suis de Mayerling
La dernière héroïne… »,
Romantique, féminine, 1983.
« Mourir d’amour au cœur de Brocéliande
C’est un chagrin pour les rois »,
Pour Arthur et les autres, ainsi que pour tous les chevaliers de la Table Ronde…
Donne-moi la main, donne-moi l’amour, 1984.
« Toi et moi
Mourir d’amour
Comme les enfants du Paradis »,
Toi émoi, 1987.
Les enfants du Paradis, ou les amours impossibles de la belle Garance et du timide mime Baptiste Deburau…



Et puis en 1991, il y a eu Ophélia, l’Ophélie de Shakespeare: « dans Hamlet, elle est la fille de Polonius et la sœur de Laërte. Elle sombre dans la folie et meurt, par accident ou par suicide, lorsque Hamlet (son amant qui l’a délaissée) assassine son père ». Du fond de l’eau elle nous parle :
« Oh ! j’ai froid j’ai chaud
Il fait si noir
Au fond de l’eau
Lac argenté
Je m’abandonne à tes baisers
Quelle était l’étoile de mon destin ?
La lune pâle dans ma main
Sèche les fleurs
De mon malheur
O amour je suis là
Dans ta tête
Invisible et pourtant là
Oui c’est moi Ophélia
La folie pas à pas
Te relie à ma loi…
O amour
Ne pars pas
Je vivrai
Invisible dans tes bras
La folie pas à pas
Me relie à ta loi
O ta blonde Ophélia
Dans l’amour qui se noie
Je me donne à mon roi
Là oui c’est moi Ophélia
Mes yeux regardent en toi
Un étrange combat
Eternelle Ophélia
Qui ne vivait qu’en toi
Et l’eau recoule en moi… »
D’amour et de mort le provençal Marcel Pagnol nous en parle aussi : 
« Où es-tu à cette heure
Se demande mon cœur
Idiot qui ne sais pas
Combien je meurs de toi »,
dit Fanny sur le port, à Marius parti en mer, 1993.


Enfin :
 « Je relirai encore l’histoire du Petit Prince,
En province »,
 La province, 1984.
Le petit prince, une histoire d’enfance et d’amitié, entre un homme et un enfant, que la mort n’aura pas épargné. Qui nous apprend que, à l’heure des sanglots,  pour nous consoler de la mort de quelqu’un, on peut regarder les étoiles, et se rappeler son rire, qui ne résonne que pour nous, dans le ciel, parmi les étoiles, comme un grelot.

Comme un grelot…


Il en va dans la vie comme dans les livres ; quand on aime on voudrait que l’amour soit éternel…
 « Je tourne les pages d’un roman
Où tu es toujours mon amant
Et nous ne serons jamais vieux
Etrange sentiment »,
Je t’aime tendrement, 1980.
Un doux rêve… Mais:
« Comme une garde robe qui lasse
Tout comme le temps l’amour passe »,
Un chant de sirènes, 1995.
Et l’on prend conscience avec effroi que :
« Vous
C’est une moitié de nous qui peut mourir
C’est un chemin à l’envers du printemps »,
Je pense à vous, 1986.
Et on peut vivre longtemps dans la crainte de la fin de l’amour…
« J’attendrai que sonne le tocsin du téléphone »,
Le temps qu’il faudra, 1989.
De l’amour, c’est là ce dont on a toujours besoin, à n’importe quel prix. Jusqu’aux confins de la vie. Jusque dans la mort.
« Je ne veux que toi
Et nul autre au monde
Dussé-je en mourir
Dussé-je en crever »,
Je ne veux que toi, 2014.
« Si un jour la vie t’arrache à moi
Si tu meurs que tu sois loin de moi
Peu importe si tu m’aimes
Car moi je mourrais aussi
Nous aurons pour nous l’éternité
Dans le bleu de toute l’immensité
Dans le ciel plus de problème
Mon amour crois-tu qu’on s’aime ?
Dieu réunit ceux qui s’aiment »,
Hymne à l’amour, 1996.


 Plus sombre et lumineuse encore la vision de l’amour après la mort par Charles Aznavour :
« Si je n’avais plus
Si je n’avais plus
Plus qu’une heure à vivre
Une heure et pas plus
Je voudrais la vivre
Au creux de ton lit
Car j’aurais chéri
Ma peur à combattre
Penchée sur ta vie
Pour l’entendre battre
Je pourrais garder
Au fond de mon cœur
Sous la terre froide
Un peu de chaleur
Que j’emporterais…
Et dans un baiser
Le corps apaisé
Le cœur allégé
D’un million de doutes
Mon dernier sommeil
M’ouvrira la route
Qui mène au soleil »,
Si je n’avais plus, chanson reprise sur la scène du Trianon le 18 octobre 2015. On la trouvera seulement sur le Double DVD De l’Olympia au Trianon, de juin 2017. En vente exclusive sur www.micheletorrr.com .On y entendra aussi une version en public de Je ne veux que toi, signée également Charles Aznavour. De même que (Je suis) seule ce soir, de Léo Marjane… 


Mais parfois, l’amour, ce ne sont que des mots, un prélude à la plus cruelle désillusion.
 « Si jamais tu partais
Partais et me quittais
Me quittais pour toujours
C’est sûr que j’en mourrais
Que j’en mourrais d’amour
Mon amour mon amour
C’est fou c’qu’il me disait
Comme jolis mots d’amour
Et comme il les disait
Mais il ne s’est pas tué
Car malgré mon amour
C’est lui qui m’a quittée
Sans dire un mot
Pourtant des mots
Y en avait tant
Y en avait trop… »,
Les mots d’amour, 2003.
 « On voulait s’aimer
Toute la vie au moins
Toute la vie ou rien
Un jour on a fait tourner les tables
Au cœur de notre château de sable
Mais l’esprit a dû souffler si fort
Que c’est notre amour qui en est mort »,
Papiers à fleurs, 1984.
Et c’est le désespoir. Dépression au-dessus du jardin.
« Si jamais tu me quittais
Il est écrit que la vie
Toute la vie
Serait finie pour moi »,
Ce monde, 1987.
« Et chaque fois que le facteur sonne à ma porte
Mes rêves un à un se meurent…
L’après-bonheur
C’est l’impression qu’on a le soir
D’être enfermé dans le dortoir
Des orphelins
C’est la douleur
Envahissante à chaque instant
Quand l’amour tire à bout portant
Sur notre cœur… »,
L’après-bonheur, 2002.
 « Quand le jour est mort
Qu’il ne reste rien
Que trois pétales de remords
Quand est gravé le mot fin
Sur les pages de l’amour
Le ciel s’en va… »,
Le ciel s’en va, 1986.


Et l’amour, parfois, c’est l’enfer, même si…
« Je l’aime à m’en crucifier le cœur »,
Je l’aime, 1983,
Alors on s’entretue, comme aux temps des tragédies. A tort ou à raison.
« Tire sur la cible
C’est l’amour que tu veux tuer
Vise bien le cœur
De la silhouette de papier »,
La cible, 1968.
En 1968 encore, une Lady que les gens appellent Winchester a remplacé Calamity Jane car elle aime bien, quand elle se promène, supprimer ce qui la gêne et tuer le temps en tirant les cœurs à la carabine.
 Si on ne tue pas, ne risque-t-on pas d’être tué, voire de se tuer ?
« Ton absence m’assassine
Je suis devenue anonyme »,
Ceux qui laissent, 1991.
« Tu ne vaux pas la peine
Que je pleure pour toi
Que je m’ouvre les veines
Et pourtant tu le crois »,
Tu ne vaux pas une larme, 1987.
Cependant, parfois, on consent, et même plus, on aime !
« Jezebel
Mais pour toi
Je ferais le tour de la terre
J’irais jusqu’au fond des Enfers
Où es-tu
Jezebel où es-tu ? »,
Jezebel, 1976.
«Danger liaison
Amour de poison
Du goût de la chose
Avouer je n’ose »,
Danger liaison, 1991.
« C’est le Diable et le feu
Mêlés à tous nos jeux
C’est le ciel qui est offert
A nous par tous les dieux…
C’est l écume des mers
Qui se meurt sur tes doigts…
Ce sont ces tendres cris
Et ces plaintes d’amour
Qui déchirent nos nuits
Et meurent au petit jour…
Dans le plaisir ultime
Quand tu m’aimes »,
Quand tu m’aimes, 2014.


Mais lorsque l’on voit que l’amour se meurt, on lutte pour sa survie. Désespérément.
 « Je sais
Que notre amour est mort
Et j’ai si mal
Si mal de penser
Qu’une autre déjà
Te serre dans ses bras…
Je sais
Que l’on n’y peut plus rien
Je sais
Que cette fois c’est la fin
Je sais
Je devrais t’oublier
Je ne devrais pas pleurer
Je ne devrais pas crier
Mais je t’aime… »,
Je sais, 1999.
« L’amour ne peut mourir
Lorsque je pense à nous »,
Ne m’oublie pas, 1991.
« Notre amour n’est pas mort
Notre amour n’est pas mort
Regarde-le il dort
Notre amour n’est pas mort
Il s’est blessé en tombant de ton cœur
En tombant de mon cœur
Il s’est blessé mais il peut vivre encore
Notre amour n’est pas mort
S’il vient à en mourir
Qu’allons-nous devenir
Où faudra-t-il partir
S’il vient à en mourir
Dans quel enfer
Notre vie sombrera
Si l’amour n’est plus là
Dans quel enfer
De pleurs et de remords
Si l’amour était mort…
Et tout serait fini
Et tout serait néant
Notre amour n’est pas mort
Notre amour n’est pas mort
Je veux qu’il vive encore
Notre amour n’est pas mort… »
Notre amour n’est pas mort, 1966.
«…Dieu que ça fait mal
Une passion fatale
Mais…
Je n’ai pas fini de t’aimer… 
De ce jeu meurtrier j’étais lasse et vaincue…
Je pourrais ne garder que le pire
De toutes nos tendresses
De cet amour si fort
Qu’il me semblait plus fort
Que la vie que la mort
Et au-delà encore
Mais…»,
Je n’ai pas fini de t’aimer, 2002.


Si l’amour se termine, c’est parfois parce que le temps passe, et qu’est venu le temps pour l’un des deux, avant l’autre, de s’en aller. La vieillesse.
 « Quand la louve s’inquiète
Qu’elle est bien fatiguée
Vois le loup qui sans trêve
La soutient pour marcher…
Quand le loup ferme les yeux
D’avoir trop travaillé
La vieille louve pleure
Celui qui va manquer… »,
La louve, 1974. 
Ou bien l’homme que l’on aime est parti à la guerre, a été forcé d’aller travailler ailleurs  ou se trouve prisonnier :
« Je viens de fermer la fenêtre
Le brouillard qui tombe est glacé
Jusque dans ma chambre il pénètre
Notre chambre où meurt le passé
Je suis seule ce soir
Avec mes rêves
Je suis seule ce soir sans ton amour
Le jour tombe ma joie s’achève
Tout se brise dans mon cœur lourd »,
(Je suis) seule ce soir, 2015.
Et le retour est incertain.
Alors, quelles que soient les circonstances, il faut bien se résoudre à la mort de l’amour…
« A quoi bon mentir encore
Notre amour est presque mort
Rester ensemble ne sert à rien
Et je m’en vais avant la peine »,
Le film est trop long, 1966.


« Dans mon jardin
Sur une fleur
Près de ma main
Deux ailes meurent »,
Les papillons, 1970 (Paroles de Jean Vidal).
Et quand l’amour meurt, le cœur se brise, et peut aller jusqu’à cesser de battre.
« Pauvre cœur qui se torture
Et ne peut guérir de sa blessure
Pauvre cœur qui se déchire
Et qui n’est plus un cœur à rire
Pauvre cœur pleurant misère
Je te sens qui bats mais pour quoi faire ?
Je n’aurai sur cette terre pauvre cœur
Pas assez de temps dans une vie
Pas assez de jours assez de nuits
Pas assez de temps pour oublier
Celui que j’aimais celui que j’aime encore…»,
Pauvre cœur, 1967.
On peut aussi choisir de mourir d’amour, à deux, sans que l’on sache quelques cruautés, quel désespoir, put pousser ceux qui s’aiment à cela…
 « Mais dans ce décor banal à pleurer
C’est corps contre corps qu’on les a trouvés
On les a trouvés se tenant par la main
Les yeux refermés vers d’autres matins
Remplis de soleil on les a couchés
Unis et tranquilles dans un lit creusé
Au cœur de la ville… ».
Les amants d’un jour (2003).
Et pour finir, de l’amour, il ne reste rien…
« Ce soir le vent qui frappe à ma porte
Me parle des amours mortes
Devant le feu qui s’éteint »,
Que reste-t-il de nos amours, 1987.
« Les feuilles mortes se ramassent à la pelle
Tu vois je n’ai pas oublié
Les feuilles mortes se ramassent à la pelle
Les souvenirs et les regrets aussi
Et le vent du Nord les emporte
Dans la nuit froide de l’oubli… »
Les feuilles mortes, 1976.
 « Et les feuilles mortes
Seront mortes à jamais »,
L’an 2000, 1974.


Pas de panique, cependant, même si
« … ce soir dans tes yeux l’amour se noie »,
Puisque c’est un adieu, 1988,
car l’amour nous transforme en des sortes de phénix capables de renaître de leurs cendres. Un amour qui meurt et c’est au tour d’un autre de naître en nos cœurs…
« Il était dit que ce soir tu viendrais
La prophétie enfin s’accomplirait
En franchissant le pas de cette porte
Tu balaierais d’un coup mes amours mortes…
C’était écrit qu’on marchait l’un vers l’autre
Que cette nuit serait bientôt la nôtre
Et rien au monde ne tuerait mon bonheur
C’était écrit sur ma ligne de cœur… »,
Passion fatidique, 1988. 
Et il en va de même pour la compagne de L’accordéoniste:
« La fille de joie est seule
Au coin de la rue là-bas
Les filles qui font la gueule
Les hommes n’en veulent pas
Et tant pis si elle crève
Son homme ne reviendra plus
Adieu tous les beaux rêves
Sa vie elle est foutue »,
sauf que :
« Pourtant ses jambes tristes
L'emmènent au boui-boui
Où y a un autre artiste
Qui joue toute la nuit
Elle écoute la java...
... elle entend la java
... elle a fermé les yeux
... et les doigts secs et nerveux ...
Ça lui rentre dans la peau
Par le bas, par le haut
Elle a envie de gueuler
C'est physique
Alors pour oublier
Elle s'est mise à danser, à tourner
Au son de la musique... ».


« Par le petit garçon qui meurt près de sa mère
Tandis que des enfants s'amusent au parterre…
Par les quatre horizons qui crucifient le Monde,
Par tous ceux dont la chair se déchire ou succombe…
Par les nativités qui n'auront sur leurs tombes
Que les bouquets de givre aux ailes de colombe,
Par la vertu qui lutte et celle qui succombe :
Je vous salue, Marie »
La prière, 2016.
Dans toutes ces chansons, la mort n’est qu’une image, un « comparant », mais il en est d’autres où c’est bien de la mort, la vraie, dont il est question.
La mort qui vient par la main d’un meurtrier, tel Mackie, ignoble personnage de L’opéra de quat’sous de Bertold Brecht, dont la complainte figure sur l’album de reprises de grandes chansons françaises et étrangères de 1976 :
« Sombre est la nuit
Un éclair luit
Un homme fuit
La mort suit
Un corps tombe
Dans la tombe
Hécatombe
Sans un bruit…
Meurtre infâme
D’une femme
Qui rend l’âme
C’est Mackie…
Dans une autre
L’on éventre
Quelqu’un entre
C’est Mackie…
Le délire
On expire
Plus un rire
C’est Mackie... »,
La complainte de Mackie, 1976.
La mort, au détour d’une route, par accident pour L’homme à la moto:
 « Il bondit comme un diable avec des flammes dans les yeux
Au passage à niveau ce fut comme un éclair de feu
Contre une locomotive qui filait vers le Midi
Et quand on ramassa les débris
On trouva sa culotte ses bottes de moto
Son blouson de cuir noir avec un aigle dans le dos
Mais plus rien de la moto et plus rien de ce démon
Qui semait la terreur dans toute la région »,
L’homme à la moto, 1980/1983.
La mort, qui vient cueillir, par temps de guerre, tant de soldats,
« Ce soldat condamné qui jette son fusil »,
La déchirance, 1979.
et, quand la dictature règne
« Je sais bien qu’à Varsovie
On fusille ma liberté »,
La Pologne, 1982,
que le terrorisme frappe, n’importe quand, aveuglément, tant d’innocents, tant d’innocentes…
« Devant ces présidents qui dirigent le monde
Qui jouent au cerf-volant avec toutes leurs bombes
Devant les synagogues devant les cathédrales
Il n’y a qu’un bon Dieu mais toujours plusieurs diables…
Un soldat trop vaillant c’est un ami qui part
Au nom de quelle folie au nom de quel pouvoir
On les envoie cueillir les lauriers de la gloire »,
J’en appelle à la tendresse, 1981.


« Folie des hommes j’ai eu si mal
Je suis morte cent mille fois
Je suis une femme seule
Et dans ma tour d’ivoire
Entre mariages et deuils
Toujours un peu plus seule
Quand tu t’en vas…
J’ai vu à travers vous le monde
Comme dans un cinéma
Les guerres les gosses qu’on tue les bombes
Dieu cloué sur sa croix… »,
Seule, 1997.
La mort qui, après la faim, après le froid,  vient se saisir des miséreux :
« Mais regarde-les
Dans leurs palais
Ils pensent à eux souvent
Pourtant
Cette nuit un homme vient de crever
Sous les fenêtres d’un président
Regarde-les rue des Flingués… »,
Regarde-les, 1997.
L’orgueil, comme le vestige d’une dignité perdue, n’est pas d’un grand secours…
« Dans ma vie
J’ai vu des rois vivre malheureux
Et des mendiants mourir orgueilleux »,
Dans ma vie, 1986.
Amsterdam comme ailleurs, il n’y a pas que les moulins qui meurent :
« Tous les deux à Amsterdam
Toi et moi sous le charme
Des moulins qui ont rendu l’âme », (1986),
« Dans le port d’Amsterdam
Y a des marins qui meurent
Pleins de bière et de drames
Aux premières lueurs
Ils se tordent le cou
Pour mieux s’entendre rire
Jusqu’à ce que tout à coup
L’accordéon expire… », 1999.


« Pour toute la haine qui nous tue
Combien d’images qu’on ne voit plus…
Combien d’images inaperçues… »
Encore, 2008.
La haine qui a tué, et tue encore aujourd’hui, ceux qui ne font de tort à personne, pour un oui, pour un non, ou pour une préférence sexuelle :
« Vous leur en voulez à mort
(Et ce n’est pas toujours une image, hélas !)
Je vous dis qu’ils s’aiment
Et alors ?
Ce qui ne tue pas rend plus fort
Regardez comme ils s’aiment
Et alors ? »
Ils s’aiment et alors ? 2014.
Et enfin, ne peut-on pas mourir par manque d’amour, comme s’éteint une petite flamme ?
« Tout seuls au monde un jour de pluie
Vêtus d’un sentiment qu’ils ne comprennent pas
Ils s’évaporent sans faire de mal
Sans faire de bien non plus
Ils ont grandi et ils ont vieilli
Mais ils sont restés petits
Dans le cœur
Alors je chante
Pour tous ceux qui n’ont pas eu le temps
De donner quelque chose à quelqu’un
Pour tous ceux qui n’ont pas pu donner tout l’amour
Qu’ils emportent avec eux
Et pout tous les amis qu’ils n’ont pas eus
Les souvenirs qu’ils n’ont pas laissés
Et l’amour qu’ils n’ont pas vécu
Alors je chante
Ils ont fini un jour sans joie
Par s’effacer d’un monde
Qu’ils ne comprenaient pas
Ils n’ont pas su donner la vie
A tous ces sentiments
Qu’ils ne comprenaient pas… »
Alors je chante, 1997.


Parler de la mort, c’est aussi  parler de ceux qui ne sont plus, c’est leur rendre, encore, un dernier hommage, quand on n’a pas fini de les aimer.
Des hommages à des personnes célèbres, Michèle Torr en a rendu. Elle aussi a célébré ses « héros », ses « héroïnes ». Elle a chanté John Lennon, Grace Kelly, Gérard Philipe, Sœur Emmanuelle…
Il y a eu d’abord cette histoire, fictive sans doute, mais tellement émouvante, de L’homme à la guitare d’or, pour laquelle la jeune chanteuse s’est muée en conteuse :
« Je me souviens d’un petit bar
De la Nouvelle Orléans
Où l’on pouvait compter le soir
Plus de Noirs que de Blancs… »
Et c’est prétendument dans ce petit bar qu’elle a fait connaissance avec un vieil homme qui lui a raconté l’histoire d’ « une guitare tout en or et sertie de diamants » qui décorait l’endroit.
« Voyez-vous c’est toute l’histoire
De mon meilleur ami…
En 45 lorsque la paix est enfin revenue
Oh ! moi je m’en étais bien tiré
Mais lui ne voyait plus
On lui a offert sa guitare
Des amis des parents
Elle valait 200 dollars
Sans l’or et les diamants
C’est lui qui les a ajoutés
Car il jouait si bien
Qu’il toucha très vite les cachets
D’un très grand musicien
Mais c’était moi qui conduisais
Une nuit de brouillard
J’ai vu ce camion qui tournait
Mais il était trop tard
A l’hôpital on lui a dit
Vous vous en tirez bien
Vous auriez pu perdre la vie
Au lieu de votre main
Il est mort dans la même nuit
Malgré les médecins
Il ne tenait plus à la vie
Et c’était aussi bien
Mais chez les anges dans le ciel
Je sais qu’il joue encore
Voici l’histoire de cette guitare d’or… ».
Une autre histoire, un autre héros, un autre artiste, un clown cette fois, parti, vraisemblablement pour mourir loin des yeux des autres, comme le font les éléphants. Ou les chats.
« Il est parti au milieu du spectacle
Et plus jamais on ne le reverra
La ritournelle de son violon magique
Résonne encore comme s’il jouait pour moi »,
La ritournelle, 1974.
Artistes fictifs ou artistes anonymes…


Il y a eu aussi les autres, tous les autres, dont les noms sont éparpillés dans les chansons.
« Lui il dit
Qu’il n’y a pas de rock and roll sans King… »,
Lui, 1980.
« Je me souviens de BB King (ou Ben E. King ? tous deux décédés en 2015)
Qui roulait à fond dans la vie
Le ciné d’Hollywood
James Dean Natalie Wood
C’était bien…
Tu te souviens de Marilyn
Se déplaçant pour voir le King
C’était à Las Vegas
On se battait pour une place
C’était bien… »,
La musique de mes idoles, 1980.
« J’étais fière
D’être celle
Que tu appelais Michelle
T’en fais pas les rockers sont au paradis »,
Adieu Lennon, qui avait été assassiné quelques mois plus tôt, le 8 décembre 1980 à New-York, (1981).
« Dans le ghetto y a Léo
Qui va mourir au piano »,
Le Ghetto, 1981. Il s’agit là de Léo Ferré, mort depuis…
« Entrée des artistes
Madame Coquatrix
En cet Olympia de Monsieur Bruno »,
Entrée des artistes. En hommage au maître de l’Olympia, aussi auteur de Mon ange. 1982.
Les « classiques » Mozart, Beethoven, Wagner, Pachelbel, Albinoni, Vivaldi… sont cités dans Mélancolie femme en 1981 et Mes amis musiciens, en 1983 (avec Billie Holiday… et Mick Jagger, toujours vivant !). Tandis que Gainsbarre encore vivant à l’époque, et Bob Marley, mort en 1981, le sont dans Rue de la Jamaïque.
« René Fallet, Brassens et Aragon » sont cités dans La province, en 1984.
En 1986, une chanson en hommage à Grace Kelly, princesse de Monaco, morte en 1982, dans un accident de voiture sur une route sinueuse de la Côte d’Azur… Signée Pierre Delanoé.
« Toi princesse venue d’ailleurs
Qui dort sur ton rocher
Au vent du nord qui pleure
De t’avoir emportée
Toi princesse de la Terre
C’est dans l’éternité
Qui brille ta lumière
Etoile de l’été…
Grace
Où s’en vont tous ces oiseaux
Dans le ciel de Monaco
Peut-être vers toi là-haut
Oh Grace
Ne nous abandonne pas
Nous qui sommes encore en bas
Nous avons besoin de toi
De Grace… 
Toi princesse venue d’ailleurs
Et trop tôt repartie…
Moi j’envie ces gens heureux
Ces compagnons secrets
Qui retrouvent auprès d’eux
La dame de Beverley».
Grace.


En 1993, une chanson qui a suscité une certaine polémique au moment où la chanteuse s’installait pour une semaine sur la scène de l’Olympia en 1996, La prière sévillane, en hommage au toréador César Rincón, ou plutôt à sa mère. Rincón est toujours vivant, sa mort est seulement envisagée (avec un effroi bien compréhensible…) par sa mère.
« Olé olé…
Mon amour si ta vie s’en allait
Je n’aurais plus qu’à te rejoindre au ciel…
Mon amour si ta vie s’en allait
Je n’aurais plus qu’à te rejoindre
Si tu mourais ».
En 2005, Michèle Torr reprend à l’Olympia Un prince en Avignon, la chanson d’Esther Opharim en hommage à Gérard Philipe.
« Il était un prince en Avignon
Sans royaume ni château ni donjon
Là-bas tout au fond de la province
Il était un prince… ».
Un prince de théâtre, sur la scène du festival d’Avignon, dans ou devant le Palais des Papes, c’est selon, où la toute jeune Michèle Torr s’est produite en 1963, en première partie de Jacques Brel…
En 2006 c’est pour le peintre aixois Paul Cézanne à l’occasion du centenaire de sa mort qu’est écrite la chanson Monsieur Cézanne. Enregistrée avec les Petits Chanteurs d’Aix-en-Provence. Signée Gérard Mouton.
« Cette montagne
Monsieur Cézanne
Elle vous appartient
De l’avoir tant aimée
La gloire y fait chanter
Votre nom à jamais ».


L’Abbé Pierre, cité dans J’apprends de vous (1993)
(« Et vous aimez Sœur Emmanuelle et l’Abbé Pierre », dit-elle aux adolescents dont elle admire la pureté et l’intransigeance quand il s’agit de s’engager…)
et Regarde-les (1997)
(car il fallait bien un « fan-club Abbé Pierre » pour venir en aide aux SDF), 
est décédé en 2007.


En 2007 encore, pour les quarante ans de sa disparition, Michèle Torr enregistre Ces années-là, en hommage à Claude François, mort en 1978, disque sur lequel elle reprend Cette année-là (« C’est là qu’on a dit adieu à Marilyn au cœur d’or »), Tous les sha la la la et lui avoue On aurait pu s’aimer d’amour
Et il paraît que c’est à Jean Vidal, son premier mari disparu en 2002, qu’elle pense quand elle chante C’était toi.
« Et dans cette indicible danse
Où finira ma vie
Tu vois cet homme à qui je pense…
C’est lui ».
« O pécheur, sans attendre la croix,
Jésus souffre pour toi »,
Douce nuit, sainte nuit, 2016.
« Comme la Croix du Fils sur Simon de Cyrène… »,
La prière, 2016
A l’heure où l’idéal de l’amour et de la paix envahissait le monde, et que la guerre du Vietnam faisait rage, les hippies ont fait de Jésus-Christ leur super star, l’une de leurs icônes.
« Il pourrait revenir
Ce jeune homme ce martyr
Il ne finirait pas
Ses jours sur une croix »,
Ça pourrait être vrai, 1971.
Le christ, c’est « Dieu cloué sur la croix », Seule, 1997.
Celui que Marie a « donné » aux hommes, qui l’ont torturé puis assassiné :
« Ave Maria
Ceux qui pleurent sont tes enfants
Toi qui donnas le tien
Pour laver les humains
De leur souillure »,
Ave Maria, 2012,
celui à qui, après qu’on a dit cela :
« Et la peur les regrets la mort s’envolèrent
Je marchai libre vers nous »,
Quand vint la grâce, 2012, on peut clamer :
«Moi je crois en toi
En toi sur ta croix…
Fils de Dieu sublime
Crucifié pourquoi ?
Même si la nuit tombe
Sur la nuit des rois
Et que sur les tombes
C’est toi que je vois
Même quand tout s’effondre
Je garde la foi ».
Je crois en toi, 2012.


Quand en 2007 pour son album Ces années-là paru en mars 2008 Michèle Torr enregistre Son paradis c’est les autres, Sœur Emmanuelle est toujours vivante. Elle réside dans une maison de retraite à Callian, dans le Var, où la chanteuse vient régulièrement lui rendre visite. Car Sœur Emmanuelle, qu’elle a rencontrée en 1981, est devenue au fil du temps à la fois un guide spirituel et une mère de substitution à qui, le temps d’une chanson, elle clame son admiration. 


Sœur Emmanuelle est décédée le 20 octobre 2008 et, pour appuyer son hommage, Michèle Torr a décidé de sortir en single au printemps 2009 la chanson qu’elle lui avait consacrée.


Parler de la mort, c’est parler de celle de ceux qui nous ont donné le jour, quand ils ne le voient plus.


Sa mère, Michèle Torr l’a perdue le 28 décembre 1965, dans l’après-midi, suite à un accident de voiture. Elle venait de passer quelques heures avec ses parents et sa sœur, Brigitte, avant de repartir sur les routes, pour chanter. A Claude François:
«  Tu as été le témoin
De mon plus grand chagrin
J’ai pleuré dans tes bras
Des choses qu’on n’oublie pas »,
On aurait pu s’aimer d’amour, 2008.
C’était à Marseille, où ils devaient monter sur scène, ce soir-là…


Alors, c’est en hommage à sa mère, et en raison de son goût pour les chansons dites « réalistes », que Michèle Torr a repris, à l’occasion de son passage à l’Olympia en 1980, Les roses blanches, de Berthe Silva, où il est question d’un enfant dont la (fille-)mère, malade, alors qu’il lui apporte chaque dimanche, à l’hôpital, un bouquet de roses blanches, s’entend annoncer la mort de celle qui l’a mis au monde…
Michèle Torr a chanté sa mère sur son album J’en appelle à la tendresse en reprenant Maman la plus belle du monde et surtout avec Ma mère a pleuré. Ce titre est la reprise d’une chanson de 1971, There's no more corn on the brazos du groupe The Walkers. Si elle ne coïncide pas exactement avec la biographie de la chanteuse, puisque sa mère était décédée depuis quatre ans quand elle a épousé Jean Vidal en janvier 1969 :
« Quand elle ma vue dans ma robe de mariée
Devant le bonheur de sa fille
Ma mère a pleuré »,
elle en évoque cependant la mort :
« Mais c’est la vie qui nous a séparées
Et quand est né mon enfant mon amour
Moi j’en ai pleuré ».
C’est en hommage à sa mère que Michèle Torr a écrit les paroles de Je n’ai pas les mots, créée à l’Olympia en 1987 puis enregistrée sous le titre Les mots pour te dire, la même année, sur l’album I remember You, chanson  portrait-paysage  d’une méridionale aussi tendre que coléreuse, à l’image de la Provence où elle était née, à Cadenet, dans le Vaucluse.
Juste avant, sur le même album, on a pu entendre Fleur de mai, une autre chanson dans laquelle Michèle Torr parle à mots couverts de la mort d’une maman qui « était très belle » :
« Dis-moi pourquoi je n’aime plus les Noëls
Ni les fêtes ni les anniversaires…
Drôle de printemps
Où le soleil m’attend
Avec la peur d’aimer
La peur de vivre
Et de temps en temps
Tous mes chagrins d’enfant
Sont comme des pages arrachées dans un livre…
Dis-moi pourquoi
Je n’aime plus les Noëls
La vie passe et rien n’est plus pareil ».
Parfois, il ne reste, avec les souvenirs, qu’ :
« Une médaille d’anniversaire
Le dernier cadeau de ma mère »,
Le sac, 1997.


Dans une interview accordée à Stéphanie Eschenlohr pour le Hors-série d’Ici Paris n°17 du 3 juin 2017, Il était une fois… les années yé-yé ! (Nouvelle édition), à la question « Peut-on dire que c’était une période d’insouciance ? », Michèle Torr a répondu :
« Malheureusement pas pour moi ! En pleine période yé-yé, j’ai perdu ma mère et je suis moi-même devenue maman. A la mort de ma mère, en 1965, il a fallu que je m’occupe de ma petite sœur de neuf ans. Du coup, quand mon fils Romain (fruit de son histoire avec le chanteur Christophe) est né deux ans plus tard, j’étais déjà confrontée aux obligations d’une maman et je n’avais que vingt ans ! […] Quand maman est morte, j’étais très dépressive. Elle avait tout fait pour que je fasse ce métier et elle n’a même pas eu le temps de me voir réussir et de profiter de ma réussite. Avec mes premiers cachets, je lui ai acheté une voiture… Une voiture dans laquelle elle s’est tuée ! Comment avoir envie de vivre après ça ? En perdant ma mère, j’avais tout perdu, plus rien n’avait d’importance. Sans la naissance de Romain, sans ce métier, sans l’amour et le soutien inconditionnels du public, j’aurais sombré. Les yé-yé m’ont vraiment sauvée du désespoir ! Du coup, de tous les yé-yé de l’époque, j’étais sans doute la plus mature, la plus responsable, la plus sage aussi. On me disait que mes textes avaient une profondeur émotionnelle qui touchait particulièrement le public. Mais c’était ma façon à moi d’exorciser mon chagrin. Cette époque des yé-yé, ce fut un tourbillon de folie qui m’a emportée, qui m’a permis de survivre et d’être plus forte que toute cette douleur ».
Hors-série d’Ici Paris n°17 du 3 juin 2017, Il était une fois… les années yé-yé ! (Nouvelle édition) : Michèle Torr, « Les yé-yé m’ont sauvée du désespoir ! ».


La mort du père a été évoquée dans C’était un petit homme, en 1972. Quand, en grandissant, on se rend compte que son père, ce n’est pas un héros, ce n’est pas le plus fort, c’est un homme ordinaire… Peu importe, quand il meurt, on l’habille de pleurs.
« C’était un petit homme tout habillé de fleurs
Il a quitté ce monde sans bruit un soir d’hiver
Son nom qui s’en souvient ? Moi je l’appelais Père
C’était un petit homme tout habillé de fleurs
C’était un petit homme tout habillé de fleurs
Tout habillé de pleurs… ».
Son père et sa mère, Michèle Torr les a réunis dans une chanson, C’est ma première, à l’occasion de son Olympia de 2002 :
« Au moment où tapent les trois coups
Je caresse une alliance à mon cou…
(Tout le monde connaît le « secret de l’alliance que » Michèle Torr porte à son cou : c’est celle de sa mère…)
C’est le théâtre de ma vie
Mes parents me sourient
Ce facteur du courrier du cœur
Qui a toujours fait mon bonheur… ». (Citation extraite d’A mon père, 1983).
Et à nouveau à l’occasion de son album Diva :
« Les yeux de mes parents
Des lumières qui rayonnent »,
Route 66, 2014.


« Quand on a dix-sept ans on est tous éternels
On peut marcher sur l’eau on peut braver le Ciel »
A mi-vie, 1993.
Et puis « un jour on a vingt ans »,
C’est dur d’avoir seize ans, 1964.
Et puis, même si au début, on ne le voit pas, le temps passe,
« Les regrets après les espoirs
S’éteignent toujours dans le noir
Sur la plage de la vérité
Comme un navire comme un noyé »,
Le temps, 1984,
il marque nos visages (« Le temps marque nos visages… », C’est un message, 2005) et nos corps,
et peu à peu l’on en prend conscience, alors on y pense, de plus en plus souvent, de plus en plus précisément,
à la vie,
à la mort,
celle des autres à laquelle on se trouve confrontés,
au chagrin,
« Vois-tu je sais que cette peine
Je ne l’oublierai jamais
Si longtemps que je vivrai »,
Pour quelques roses, 1970,
et puis la sienne, inéluctablement.
« Mes yeux bleus
Seront toujours là
Et je serai de l’autre côté du miroir »,
Mes yeux bleus, 1976.
La mort, la chanteuse y pense, elle évoque parfois une fin de carrière, qui est pour l’artiste une sorte de mort déjà, et comme chaque homme, chaque femme, elle pense à sa propre mort, sans doute…
Alors, bien qu’elle ait imaginé des adieux au public :
« C’est ma chanson d’adieu
J’en ai les larmes aux yeux
Ecoute-la
Elle est pour toi »,
Chanson d’adieu, 1985,
 elle n’envisage que la mort pour marquer la fin de sa carrière :
« Jusqu’au dernier jour je vivrai la vie que j’ai choisie
La chanson est ma seule amie »,
La gloire ou bien l’amour, 1977.
« J’irai chanter jusqu’au bout de ma vie »,
Minuit heure locale, 1984. Comme ces pianos, 2002.
Avec ce drôle d’espoir, qui persiste:
alors que « Je vous dois pour noyer mes chagrins
Vos larmes de joie »,
Diva, 2014,
 « On se reverra
Vous serez toujours là …»,
On se reverra, 2008 ;
«… Moi vers vous
De vous à moi pour toujours »,
Chanter c’est prier, 2012,
« C’est une histoire d’amour
Toi et moi
Un roman de toujours… »,
Diva, 2014.


« O île
Je t’appelle à la vie
Et dans la mort
Comme une pyramide…
O île
Un jour je partirai
M’endormirai
Pour mon dernier voyage »,
Ile, 1983.
La mort, face à qui un jour, ou peut-être une nuit, inévitablement, on est seul…
« Pour ne pas vivre seul
On vit pour le printemps
Et quand le printemps meurt
Pour le prochain printemps…
On vit pour son argent
Ses rêves ses palaces
Mais on n’a jamais fait
Un cercueil à deux places »,
Pour ne pas vivre seul, 2008.
« J’irai revoir les fleurs et chanter des chansons
Assise au bord d’un lac à la morte saison
En province
En province
C’est une maison de lierre
Qui m’attendra un jour
Avec un cimetière
Au point de non-retour
La province… »,
La province, 1984.
La mort,  un voyage
«… vers des terres inconnues
Dont on ne revient plus »,
Le voyage en bateau, 1984. 


"Je voudrais qu'ils se souviennent de tout l'amour que j'ai pour eux, conclut-elle en parlant de ses petits-enfants. Nous parlons de la mort parfois... Je leur dis que je les protégerai toujours, même quand je ne serai plus là. C'est dans l'ordre des choses, les mamies ne sont pas éternelles, mais leur amour, lui, l'est" (2014).


« C'était un petit bonheur
Que j'avais ramassé
Il était tout en pleurs
Sur le bord d'un fossé
Quand il m'a vu passer
Il s'est mis à crier:
"Madame, ramassez-moi
Chez vous amenez-moi
Mes frères m'ont oublié, je suis tombé, je suis malade
Si vous n'me cueillez point, je vais mourir, quelle ballade !
Je me ferai petit, tendre et soumis, je vous le jure
Madame, je vous en prie, délivrez-moi de ma torture"
J'ai pris le p'tit bonheur
L'ai mis sous mes haillons
J'ai dit: " Faut pas qu'il meure
Viens-t'en dans ma maison "
Alors le p'tit bonheur
A fait sa guérison
Sur le bord de mon cœur
Y avait une chanson
Mes jours, mes nuits, mes peines, mes deuils, mon mal,
Tout fut oublié…
Or un matin joli
Que j'sifflais ce refrain
Mon bonheur est parti
Sans me donner la main
J'eus beau le supplier, le cajoler, lui faire des scènes
Lui montrer le grand trou qu'il me faisait au fond du cœur
Il s'en allait toujours, la tête haute, sans joie, sans haine
Comme s'il ne pouvait plus voir le soleil dans ma demeure
J'ai bien pensé mourir
De chagrin et d'ennui
J'avais cessé de rire
C'était toujours la nuit
Il me restait l'oubli
Il me restait l'mépris
Enfin que j'me suis dit:
Il me reste la vie
J'ai repris mon bâton, mes deuils, mes peines et mes guenilles
Et je bats la semelle dans des pays de malheureux
Aujourd'hui quand je vois une fontaine ou une fille
Je fais un grand détour ou bien je me ferme les yeux
Je fais un grand détour ou bien je me ferme les yeux... »,
Le petit bonheur, 2011.
La morale de l’histoire ?
N’est-ce pas qu’il faut savoir profiter des petits bonheurs de la vie, tant qu’ils sont à portée de main, et se résoudre à continuer de vivre, quand ils s’en sont allés…
Profitons donc de l’instant présent et de la vie, tant qu’il est temps…
« Pourquoi rêver d’un paradis
C’est maintenant et c’est ici
Qu’il faut unir
Nos espoirs et nos joies
On dit « demain » on dit « plus tard »
Mais si demain c’était trop tard
Pour partager ce bonheur
Alléluia
Alléluia
Alléluia
Alléluia… »,
Alléluia, 2016.
« Verse-nous la connaissance
Du Vrai comme du Beau
Et les hautes jouissances
Qui se rient de la tombe »,
(« Vuejo-nous la couneissènço
Dóu Verai emai dóu Bèu,
E lis àuti jouïssènço
Que se trufon dóu toumbèu »),
Coupo Santo, 2012.
Rions-nous de la tombe. Ou du moins, essayons…

Fin.


Pour finir, peut-être la plus belle…
Parce que, quand il s’est agi de trouver un titre et des chansons pour constituer le tour de chant du spectacle de l’Olympia 2015, c’est à celle-là que nous avions pensé…
Parce que, quand il s’est agi de répertorier les faces B qui pourraient constituer un prochain album ou un coffret de la chanteuse, pour nous faire à nouveau parcourir en chansons l’envers de son chemin, c’est celle-là qui s’est imposée en premier…
Parce que, si un spectacle intimiste, dans un esprit « cabaret », en piano-voix, venait à voir le jour -ou plutôt la nuit !- elle pourrait aussi être la première…
Et parce qu’on aime beaucoup celle qui l’a écrite, un petit clown au tempérament de feu, plein de rire et d’émotions, qui chante aussi Brel à sa manière, comme personne…
« J’m’en fous d’l’hiver
J’m’en fous d’mourir
J’m’en fous de perdre
J’m’en fous d’vieillir
D’être la plus belle
D’être en premier… »
Et si plaisir d’amour, 1986.
Cette merveille, le petit clown qui l’a écrite, c’est Mouron, Christiane Mouron plus précisément, avec Jean-Pierre Lacot. Une ancienne du Big Bazard de Michel Fugain. Sa chanson, elle l’a reprise elle-même en 1989 sur son album A l’état brut, mais avant, c’est à Michèle Torr qu’elle l’avait offerte, Michèle Torr qui l’a chantée à l’Olympia en 1987, puis pendant quelques temps, ensuite… Qui l’a chantée, à merveille.
« Et si plaisir d’amour
Ne dure qu’un seul instant
Je veux vivre un seul jour
Et mourir maintenant… »,
Et si plaisir d’amour.

A suivre, donc…