mardi 14 avril 2015

Michèle Torr sur la Route 66, avec Alain Turban.

Nous avons rencontré M. Alain Turban à l’Olympia le 11 janvier 2015. C’est au cours d’un long entretien téléphonique qu’il nous a parlé, au début du mois de mars, de Michèle Torr. Nous lui avons demandé de se présenter pour ceux qui le connaîtraient mal, puis de nous parler de ses liens avec Michèle Torr, avant de nous raconter la genèse de Route 66. C’est en toute simplicité, et avec beaucoup de franchise, qu’il nous a répondu. Et nous l’en remercions. Voici ce qu’il nous a dit.


Je suis né artistiquement dans les années 80, dans les années « disco », avec  Quatrième dimension, Santa Monica et, en 84, On s’écrivait Annie.
Depuis 87, je m’en suis sorti avec d’autres chansons car j’ai un autre répertoire, avec des chansons comme Mystique, De l’autre côté de la vie… Je ne veux pas  me contenter de chanter toujours les mêmes chansons. Je peux très bien faire des concerts sans chanter mes tubes des années 80, avec des chansons qui les remplacent largement, comme Turbanovitch, Manouchka…J’ai des racines russes par mon père et je fais de la musique qu’on pourrait parfois qualifier de Musique du Monde, je suis assez éclectique dans mes choix. Comme le fait d’ailleurs Michèle qui aime beaucoup le cirque et en a sur le sujet une ou deux je crois, j’ai une chanson  sur le cirque Médrano, sur les clowns. Je parle aussi d’Henri Charrière, ce bagnard très connu sur qui il y a eu un film avec Steve Mc Queen: Papillon. Je n’écris pas que des chansons d’amour,  je ne suis pas vraiment un chanteur sentimental. J’ai fait un hommage à Jean Cocteau et Jean Marais. J’ai aussi monté ma structure, une société de production  et d’émissions qui porte le nom de Pony Music. Je fais de la scène, je me produis. Mon dernier album qui s’appelle Poulbot est sur Montmartre, parce que je suis né à Montmartre. Il est sorti il y a deux ans. Et après, j’ai créé La légende de Montmartre, à l’Olympia. Auteur et compositeur, j’ai fait beaucoup de musique et ma vie, c’est d’avancer.  J’ai aussi écrit un livre qui s’appelle Un taxi vers les étoiles où je parle de mes vingt ans, quand j’étais chauffeur de taxi à Paris : j’ai été chauffeur de Gainsbourg, de Johnny, de Polnareff, de tous ces gens-là. Bref, je ne ressasse pas le passé, je ne déverse pas toujours les mêmes chansons, j’ai besoin d’avancer, je vais de l’avant, vers le futur…


Je connais Michèle depuis bon nombre d’années puisqu’on a fait des plateaux de télévision ensemble dans les années 80, à l’époque des radios libres. Je connaissais l’artiste et l’appréciais pour ce qu’elle chantait, je connaissais ses chansons et un jour, j’étais allé la voir. C’était il y a fort longtemps, je ne me rappelle plus la date, elle était venue chanter dans le midi de la France, en Ardèche, à Ruoms  plus précisément, où j’avais une maison. Elle s’était produite sous chapiteau, je crois pour les vignerons ardéchois. C’est là que j’ai été la voir, et que je l’ai rencontrée pour la première fois. C’était il y a 25 ans environ. Après il y a eu d’autres artistes, comme Bruel par exemple, qui sont venus aussi.


Ensuite, on s’est retrouvés car j’ai fait près de deux ans sur Age tendre : j’ai fait la cinquième tournée,  la plus grosse, dans laquelle il y avait Michèle, et après j’ai fait une quinzaine de dates, il y a un an un an et demi. Sur la tournée supplémentaire, avec Georges Chelon, Alice Dona. Michèle n’en a fait qu’une date, à Périgueux…
Ce que j’aime chez Michèle, c’est qu’elle chante merveilleusement bien, c’est une belle interprète. Je trouve sa carrière formidable. D’abord, c’est quelqu’un qui n’a pas eu une vie facile, sentimentalement, et qui a dû toujours se battre corps et âme. Et puis  c’est quand même extraordinaire d’être  partie d’où elle est partie, si jeune, d’avoir fait ce radio-crochet à l’époque, grâce auquel Jacques Brel lui a proposé de faire sa première partie.
Puis elle est passée de l’époque yé-yé à l’époque des années 70, puis des années 70 aux années 80 ; ces virages ont été bien vus. Dans les années 60,  je me souviens que tous les gens, comme Marcel Amont, comme Georges Guétary, comme  Line Renaud, et j’en oublie, tous ces gens-là ont été balayés par l’époque yé-yé, et puis dans les années 80, tous les chanteurs des années 70 ont été balayés aussi, parce que les modes musicales, ce sont des vagues. Il y a des artistes qui repartent avec la mode par laquelle ils sont arrivés. Il faut se méfier de cela. Bien sûr il y en a qui bénéficient d’un élan nouveau. Michèle a su, elle, surfer sur  les modes, même si pour durer, il faut des tubes. Elle a eu des chansons qui le lui ont permis, comme Discomotion, la chanson de C.Jérôme,  et François Valéry qui lui a fait Emmène-moi danser ce soir. Mais ensuite elle a su prendre le virage vers les années 80. Après, il y a eu des moments moins faciles dont il est un peu question dans Route 66. Ce n’est pas que les médias ne s’intéressent pas à elle, mais elle fait partie de ces artistes qui ont la chance de rester un peu intemporels. Et les artistes n’ont jamais de fin, tant qu’ils chantent, ils existent  et après ils continuent d’exister dans la mémoire des gens…


 Michèle a eu la chance d’avoir des tubes, parce qu’il faut des tubes,  mais il ne faut pas rester bloqué sur les chansons d’une époque, Michèle le sait très bien. C’est aussi pour cela que j’apprécie son côté mystique. Pas religieux mais presque. Elle se rapproche du sacré. Cela lui a permis de renouveler un peu son répertoire. D’ailleurs, je lui ai envoyé une chanson mais elle ne m’a pas encore donné de réponse. Elle s’appelle Au nom de la croix. Peut-être qu’elle la retiendra pour sa tournée des églises : Chanter c’est prier.
A ce sujet, j’ai une chanson pour elle que je chante depuis des années, qui s’appelle De l’autre côté de la vie.  Il y a un ou deux ans, je la lui ai soumise sur la Tournée Age Tendre mais elle m’a dit :
 « Oh ! non, le titre est beau mais ça me fait un peu peur de parler de ça ».
C’est pourtant une belle chanson que les gens adorent. Si Michèle l’avait chantée, cela aurait été énorme, mais elle n’a pas cru bon de le faire. Pourtant, je n’y parle pas seulement de la mort :
 « De l’autre côté de la vie
Des mots de lumière je t’écris
Entre le silence et la nuit…
De l’autre côté du miroir … »
Les artistes, on parle de ces choses-là, on parle de la vie, on parle de la naissance, il faut parler de la mort aussi, puisque c’est un passage obligé.


Mais je n’avais jamais travaillé pour Michèle avant. Route 66 est née sur la tournée Age tendre et tête de bois, quand j’ai vu un prospectus parlant du spectacle que Michèle devait faire à Las Vegas. Ce qui m’a interpelé, c’est quand j’ai vu la photo de Michèle prise à Santa Monica. Vous n’êtes pas sans savoir que mon plus gros tube a été Santa Monica, donc j’ai pensé que ça serait sympathique de faire une chanson pour Michèle  qui parle de l’Amérique et d’une rencontre amoureuse qui se terminerait à Santa Monica.  Je m’y suis mis:
« Un coucher de soleil sur la route 66 …».
Dedans, j’ai glissé une allusion à ses parents car je sais qu’elle parle souvent d’eux et de sa  famille…
On a fait une maquette, avec Mario Santangeli,  qui est le compositeur, que  j’ai fait écouter à Michel Algay,  et ensuite j’ai pris rendez-vous avec Michèle que je suis venu voir à Lille dans sa loge. Je lui ai soumis la chanson: je lui ai mis les écouteurs dans les oreilles, elle l’a écoutée, et elle l’a tout de suite aimée et c’est pour ça qu’elle l’a enregistrée. C’était il y a plus d’un an…C’est une chanson qui change un peu de ce qu’elle fait d’habitude, même si elle parle quand même d’amour. Sans vouloir être prétentieux, elle l’emmène un petit peu autre part. L’orchestration que nous avions choisie pour la maquette était un peu plus branchée, un peu plus moderne, un peu plus californienne, et Guy Mattéoni en a fait autre chose. Ainsi elle correspond  peut-être mieux à l’artiste. Après tout, c’est sa voix, c’est elle qui décide, quand même. Elle m’a dit qu’elle allait répéter Route 66 pour la mettre au Casino de Paris. Qu’elle voulait peut-être reprendre une ou deux chansons de Mistinguett. C’est une fameuse idée. Par ailleurs, pour cette occasion, Mario Santangeli et moi lui avons écrit une chanson qui s’appelle Au Casino de Paris. Je la lui ai proposée mais elle m’a répondu : « Je suis désolée mais je ne la chanterai pas ».C’est dommage mais c’est son choix.

Alain Turban, Bernard Sauvat, Michèle Torr, Herbert Léonard.

Elle m’a dit aussi qu’elle avait envie de faire un tour de chant différent de son dernier Olympia, que j’ai trouvé superbe,  très, très bien, en particulier musicalement, avec de très bons musiciens. Un très bel Olympia.
Je trouve que dans son nouvel album, Diva,  il y a de jolies chansons comme Diva, ou comme d’autres.  Je suis ravi qu’il sorte dans les bacs le 13 avril, la conjoncture actuelle n’est pas tellement favorable. C’est tellement dur que les maisons de disques sont réticentes: ils vont vendre des disques avec tous les anciens succès mais les nouveautés, c’est plus difficile, même si elle est connue, quand même, Michèle. Toujours est-il que c’est une évidence,  plus le disque est exposé, plus il a de chances de se vendre. 

Michèle Torr, ce qui la caractérise, c’est son opiniâtreté ; elle est opiniâtre. Et elle s’aiguise, elle se peaufine avec le temps. Et elle est humaine, ce qui n’est pas le cas de certains artistes. Chacun a sa chapelle, chaque artiste regarde son nombril. Il n’y a pas que les artistes qui le font, c’est humain en général. Je pense aussi être comme ça mais pas complètement, je pense aussi un peu aux autres. Personne n’est le centre du monde. Je la sens très humaine, avec son public, avec les gens. Elle aime les gens qui l’aiment, certes, mais elle leur donne aussi de l’amour. Elle déborde d’amour pour son public.

Fin.




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