vendredi 25 avril 2014

Michèle Torr chante Michèle Torr



On pense que Michèle Torr est seulement interprète, et que toutes ses chansons ont été écrites, paroles et musiques, par d’autres. Pourtant on trouve sa signature à la fin de plus d’une vingtaine de chansons : deux dans les années 60, deux sur I remember you, deux ou trois sur Vague à l’homme, six sur Seule, deux sur Portrait de scène, une inédite en 1999,  trois sur Donner, une sur l’Olympia 2002 et une sur l’Olympia 2005, deux sur Ces années-là et une sur Chanter c’est prier. Certaines d’entre elles ont été compilées sur La louve. Un total de 23 chansons.


 C’est probablement sous la houlette d’une célèbre adaptatrice de chansons étrangères, par ailleurs auteur-compositeur, nommée Mya Simille (un pseudonyme, évidemment, pour Micheline Helyett) que Michèle Torr a cosigné deux chansons dès 1965.
La première est sortie en mars 1965 sur son quatrième EP, dont le titre-phare était On se quitte (première chanson originale créée par Michèle Torr). Elle s’intitule Hey hey, adaptée de The sun’s gonna shine. Une chanson joyeuse qui nous fait entrer par les portes de la nuit dans les rêves d’une jeune fille qui espère le prince charmant. Au sujet de la valeur prémonitoire de ses errances nocturnes, qu’on aime bien partager avec elle…On ne se moque pas, promis. On rêve aussi…


La seconde est sortie sur l’EP suivant, pendant l’été 1965, qui commence par Dis-moi maintenant ; elle a pour titre Une fille m’a pris celui que j’aime, adaptée de There goes the boy I love with Mary. La jeune fille a trouvé le prince charmant…mais une autre fille le lui a pris. Alors, accompagnée d’une sorte de chœur antique composé d’autres jeunes filles  vindicatives comme des chanteuses de tarentelles napolitaines, elle apostrophe le jeune homme volage pour lui ouvrir les yeux sur toutes les déconvenues qu’il risque de connaître à la suite de son infidélité (faux serments, moqueries et  cœur brisé). Cela rappelle les cours de collèges ou de lycées et les drames qui s’y jouent encore, bien semblables à ceux des années soixante…


Il faudra attendre 1987 pour entendre à nouveau un texte entièrement signé Michèle Torr. Ce sera sur la scène de l’Olympia où, le 21 janvier, elle crée Je n’ai pas les mots (ou Les mots pour te dire), en hommage à sa mère. La musique est signée Guy Mattéoni. On retrouvera cette chanson en version studio sur l’album I remember you. Elle vient après  Ma mère a pleuré et Maman la plus belle du monde en 1981, dans l’album J’en appelle à la tendresse, dont le 45 tours avait pour visuel la photo de la chanteuse bébé dans les bras de sa mère. Hommage à celle qui rêva pour elle-même la vie qui sera celle de sa fille. Chanteuse. Les enfants sont souvent ceux qui portent sur leurs épaules les rêves de leurs parents. Ces espoirs sont souvent bien lourds à porter, mais lorsque l’enfant parvient à réaliser ces rêves, à condition que ce soient aussi les siens, sa fierté prend alors le pas sur la peur de décevoir… Malheureusement, Clémente Tort n’est plus de ce monde depuis  décembre 1964 et elle n’a pu en partager la matérialisation. La grande maison de pierre qui domine la vallée de la Durance près de Cadenet, le village où elle est née, le bonheur de chanter… Portrait (voix, yeux, joie, colère, caresse, tendresse) en forme de paysage de la terre natale : lumière, mistral, ruisseau…Les mots sont maladroits, les mots sont inutiles, on ne raconte pas la lumière… Ce sont les chœurs, les murmures, qui expriment la peine, la culpabilité peut-être, et surtout l’amour d’une enfant pour sa mère. 


« Je l’ai écrite d’une traite, un jour où j’étais seule et où je pensais très fort à elle » dira-t-elle à Bérangère Etcheverry de Télé Poche.
« J’avais envie de parler de ma mère. De ses colères et de ses folies. Quand je l’ai lue au téléphone à Jean Albertini, il s’est écrié : « C’est formidable, Torr, vous me faites chialer, » (à Monique Prévot, pour France Soir).


« J’écris souvent des textes mais je n’ose pas les montrer alors je les brûle. Là je viens de faire le premier pas et cela me donne envie de parler de mon enfance et de ma famille », à Laure Joanin, pour Le Parisien.
 Cette chanson vient, sur l’album, après une autre chanson qui parle d’enfance, de poupées, de Noëls, de fêtes et d’anniversaires que l’on n’aime plus, quand la mort s’en mêle: Fleur de mai, une adaptation d’une chanson des Bee Gees.
« A la Noël maman était très belle comme la poupée au pied du sapin vert…Drôle de printemps où le soleil m’attend avec la peur d’aimer, la peur de vivre ; et de temps en temps tous mes chagrins d’enfant sont comme des pages arrachées dans un livre…Dis-moi pourquoi je n’aime plus les Noëls, le temps passe et rien n’est plus pareil… »
On retrouvera Les mots pour te dire sur Le meilleur de Michèle Torr en public, et elle la chantera jusqu’à la tournée Acoustique en 2001 et lors de la tournée qui a suivi la sortie de Donner, en 2002. En hommage à ses parents, la chanteuse enchaîne ce titre avec A mon père, sans pause entre les deux, comme deux éléments d’un diptyque. Ses parents sont ainsi réunis pour quelques minutes, dans les applaudissements du public…


L’album I remember you se termine par une seconde chanson signée Michèle Torr et Daniel Mecca.  Tu ne vaux pas une larme. Le registre n’est plus du tout le même. Mais qu’est devenue l’interprète d’Emmène-moi danser ce soir ? Une harpie vindicative qui, au lieu de se plaindre discrètement, comme à l’habitude, assaille de reproches le pauvre mari accablé qui ne l’emmène plus au cinéma, qui rentre tard, avant que ne soit mesurée sa côte à la bourse de l’amour : il ne vaut pas une larme ; tout le monde (les amis, le chien) sera content qu’il débarrasse le plancher. Qu’il se le tienne pour dit. Pour glapi plutôt. C’est donnant-donnant : il y a une autre femme ? Qu’elle soit heureuse ! L’épouse trahie quant à elle,  avec lui (son amant) ira au ciné revoir en nostalgie La femme du boulanger! Pas la peine de faire des drames, ni de s’ouvrir les veines, inutiles les larmes, votre mari vous trompe ? Virez-le et prenez-en un autre. Pour revivre avec lui (l’autre, l’amant) Paradis et Enfer. Paradis peut-être, et Enfer sûrement!
Délicieusement drôle comme une bonne pièce de théâtre de boulevard. Et si c’était celle-là la vraie Michèle Torr ? Non pas l’interprète un peu fade d’Emmène-moi danser ce soir, mais l’espiègle et spirituel auteur de Tu ne vaux pas une larme ? En tout cas ce n’est pas la première de ces deux chansons qu’elle a signée, mais la seconde ! Qui renaîtra de ses cendres, pas tout-à-fait la même, en 1997.


A signaler qu’en 1988, Daniel Mecca, le fidèle guitariste, la voix de l’homme de J’aime, en public, à la place de Jean (-François Maurice) Albertini sur le disque, Daniel Mecca qui est devenu aussi le « garde du corps » et le régisseur de la chanteuse, signe seul Touchez pas à ma ville, sur Je t’avais rapporté.
C’est avec lui qu’elle va cosigner le plus de chansons : Tu ne vaux pas une larme, La fille du soleil, (Dans le blues de l’amour), Charlotte, Sur les routes, L’an 2000, Côté soleil et Toutes ces nuits. 


« [Michèle Torr] prépare un album pour l’automne prochain avec trois chansons dont elle a, elle-même, écrit les paroles durant sa convalescence » (Geneviève Coste, Télé 7 jours, mai 1991). 
« C’est aussi la première fois que je signe autant de textes. Et pendant ma convalescence, ce qui n’est pas un hasard. Je me suis, je l’avoue, plus investie sur ces nouveaux titres que pour les anciens albums », explique-t-elle à Alain Val, de Télé Magazine.


Vague à l’homme sort en décembre 1991. Entre temps, beaucoup de choses se sont passées. Ce sera le seul disque qui paraîtra chez Vogue. Il contient deux chansons assurément signées Michèle Torr et Guy Mattéoni : ce sont Rentrer sur scène et Vivre dans l’instant.
Ceux qui laissent est-elle signée par eux deux comme c’est mentionné sur le CD ou bien Stéphan Chapel et Philippe Bambuck comme c’est indiqué dans le livret ? C'est en fait Stéphan Chapel qui a signé les paroles mais  elles sont bien le reflet de ce que vit et éprouve la chanteuse. Elle lui va donc comme un gant, de même que Ne m’oublie pas et Vague à l’homme. Dans ce disque triste comme un crépuscule, avec pour visuel une photo en noir et blanc sur fond violet qui ressemble à un faire-part de deuil (et il s’agit bien du deuil d’un amour et d’une aventure artistique), il s’agit surtout de se défaire du poids d’un divorce et d’exorciser la déception engendrée par la défection d’une équipe. L’album de la renaissance, ce sera le suivant.
Un mot quand même sur Ceux qui laissent, qui n’est peut-être pas signée Michèle Torr : il y a  bien là l’expression du désarroi d’une femme prise en otage par ses sentiments, prise au filet d’une histoire, d’un regard beau comme un diamant noir, qui vient de se séparer de celui qu’elle aimait et, même si c’est elle qui laisse, elle souffre, et regrette, et revit en rêve les instants passés, précieux, perdus…On ne saura pas quelle est la part de vécu là-dedans, mais elle n’est certainement pas des moindres. La liberté comme un mirage, la rupture comme un naufrage.


Paule Picard écrit : « [Michèle Torr] n’ouvre son cœur qu’au public pour lequel elle a écrit une superbe chanson : Rentrer sur scène ».
 Rentrer sur scène est en effet la chanson de l’expression de la reconnaissance de la chanteuse, adressée à son public. On voit souvent dans ce genre de titre quelque chose de démagogique. Peut-être. De l’impudeur, dit-elle. Mais on sent bien qu’il y a de la sincérité dans l’évocation du désespoir crié, dépassé dans le halo du projecteur, malgré la peur, malgré les doutes, grâce à la scène et au public, retrouvé régulièrement au cours de la période difficile qui vient de s’écouler, car l’artiste a continué de se produire en concert, sans interruption. Pour trouver auprès de lui dans une étrange communion –un cœur-à-cœur- la chaleur, le réconfort. L’espoir.


L’espoir, un peu de jaune soufre pour la moitié des lettres du nom de la chanteuse, pour celles de son prénom et du titre de l’album sur la pochette, comme un rayon de lumière, et une chanson, résolument optimiste celle-là : Vivre dans l’instant. Hymne au présent, au détriment du passé imparfait, du futur incertain…L’artiste ranime le feu qui brûle en elle, repart en bataille défendre une vie nouvelle… On en saura un peu plus avec l’album A mi-vie en 1993, dont l’écriture des paroles sera confiée à Pierre Grosz.
On retrouvera ces deux dernières chansons sur Le meilleur de Michèle Torr en public en 1996 et Portrait de scène en 1999 (ce sont les mêmes versions).

A propos de La prière Sévillane, sur A mi-vie, en 1993, Michèle Torr déclarera : « C’est une chanson espagnole que je connais depuis très longtemps. C’est Pierre Grosz qui en a signé le texte français mais l’idée est de moi. J’aurais dû la cosigner » (Platine, 1997).


Michèle Torr osera reprendre la plume et s’investira plus encore dans l’écriture de son album Seule, en 1997. « Aujourd’hui, j’ose prendre la plume » sera le titre d’un article d’Isabelle Morand dans Télé Star. Elle en cosigne six chansons sur douze. Seule aussi car c’est le premier album de chansons originales qu’elle autoproduit, seule, comme une grande…
« Je me suis enfin laissée aller à dire ce que je ressentais, ce que j’avais sur le cœur, mes émotions, mes états d’âme aussi, souvent des choses que je vis, ou que j’ai vécues… »confiera-t-elle à Platine dans un article intitulé « La solitude des hautes altitudes », dont le titre est inspiré de Goldman.
Pour Seule, elle retrouve Christian Accardi qui avait cosigné avec Claude Perraudin le très beau Ne m’oublie pas en 1991.
« Avec Christian Accardi, j’avais quatre textes que l’on a retouchés ensemble et sur lesquels il a écrit ses musiques », précisera-t-elle.


 Seule est une très belle chanson sur la place des femmes dans le monde, poupées de chiffon blessées, voilées, prisonnières de la folie des hommes, et sur celle de l’une d’entre elles en particulier : la chanteuse, chanteuse d’un soir, qui trouve auprès du public un refuge, une forme d’amitié, mais  au prix de son intimité, car il lui vole son histoire, entre mensonge et vérité. Une chanson qui pose des questions plus qu’elle ne donne de réponses. Qui parle aussi de l’amour, de mariages, des deuils qui la déchirent, de la solitude…


Deuxième chanson : Tes silences. Avec  aussi Christian Accardi. Beaucoup de rimes en –ence pour une chanson-confidence (mais ce mot-là, on ne l’y trouve pas !) dans laquelle la chanteuse évoque l’histoire sentimentale qu’elle est en train de vivre, et qui tourne mal. Silences, indifférence, absences, vengeance, comme autant de tue-l’amour. On y entend l’impossibilité de dissocier vie privée et vie publique, inextricablement enchevêtrées et l’artiste se débat dans ses contradictions. Un peu de chance, et tout recommence… dans la vie comme dans la chanson.


 Troisième chanson : Regarde-les. Avec encore Christian Accardi. Sur les « Chaplins des temps nouveaux », les SDF. La mélodie évoque en effet les films de Charlot par son rythme et les arrangements (petites notes de piano comme au temps du cinéma muet), de même que par son sujet. On peut être agacé par certains termes en décalage avec le propos (flingués, fan-club Abbé Pierre, looker les vitrines, se payer la une… des super géants de l’info…), gêné par certaines images un peu maladroites (tout humiliés de vieux cartons, ces vieux jouets de peluche, ces chiens sans laisse, -ce sont les SDF eux-mêmes, non ?- ces presque rien…) On préfère les troubadours sans limonaire, les sultans (mais c’est pas vrai)…Il n’empêche, cela se termine Rue de la Pitié comme cela commence parfois chez Maupassant Rue des Martyrs. Et ce mélange de maladresse et d’intentions louables, de poésie et de clinquant, fonctionne plutôt bien quand la révolte se lève dans la voix, sourde comme  début d’orage, mais impuissante, avant de s’apaiser…  car il est des révoltes qui mènent à l’action, comme celle de Coluche dont le nom vient clore la chanson. Un bel hommage donc, à ceux qui, en dépit de l’indifférence des gens, des hommes politiques en particulier,  oeuvrent pour combattre la misère.


Dernière chanson de l’album. Et dernière chanson cosignée par Christian Accardi. Tant je t’aime. Une femme de marin attend dans un port l’homme que tant elle aime, et qui n’est pas là. Reviendra-t-il ? L’océan est-il si bête qu’il le ramènera ? Une lampe-tempête est clouée sur la porte, les souvenirs sont dockés sur les quais méthaniers, mais si le cœur de la dame se prend pour un poète, le port demeure triste et il pleut sur Le Havre, trop paisible. Serait-ce parce que les rêves, comme les bateaux et les pays où ils mènent, ne sont pas les mêmes pour lui que pour elle? L’attente sera vaine et la dame demeurera seule dans sa tour, dans son phare. Une jolie chanson douce-amère sur les doutes, l’incertitude, la désillusion et, finalement, la solitude.


S’ajoutent à ces quatre chansons cosignées Michèle Torr et Christian Accardi deux titres signés Michèle Torr et Daniel Mecca. Le premier, loin de la Baltique et de la Mer du Nord évoqués dans Tant je t’aime, c’est La fille du soleil, dont il existe aussi deux versions en public sur les Olympia 2002 et 2005. « Passer à l’orange dans un monde étrange où l’amour se change en argent », un monde de caresses, de toujours, de promesses, et d’amour blessé…C’est là que nous emmène la fille du soleil, capable pour quelques sous de nous changer le ciel, de soigner nos cœurs rebelles, de nous  faire oublier les amours déçues et le désespoir, d’illuminer nos nuits, de peindre des arcs-en-ciel sur nos murs bien trop gris. Elle s’adresse à chacun mais on n’est pas tout seul dans le monde de cette « mauvaise » fille-là. Evocation du métier d’artiste, entre fille de lumière et fille de joie. Une chanson qui n’a l’air de rien, mais simplement lucide, acide et lumineuse.



Et on reconnaît en Dans le blues de l’amour la métamorphose de Tu ne vaux pas une larme. La chanson est devenue un duo entre le mari à qui Daniel Mecca prête sa voix : c’est lui qui, hypocrite, alors qu’il s’apprête à partir, regrette les soirées au cinéma, et c’est cette remarque qui semble déclencher la série de reproches précédemment évoquée. La voix est plus sourde, les guitares plus agressives, la rancœur plus profonde. Les chœurs plus présents semblent faire vrombir la colère. Plus question d’une bourse de l’amour, mais de vrai blues, ni de La femme du boulanger : la dame a perdu ses envies, son sourire trop longtemps effacés. Si la teinte nettement humoristique de la chanson s’en trouve affadie, elle y gagne en force et devient une chanson de scène diablement efficace.

Elle sera pourtant écartée du spectacle créé à l’Olympia en janvier 1998, mais les cinq autres chansons en feront partie ; Regarde-les disparaîtra assez rapidement du tour de chant, de même que Seule, remplacée par Je ne suis qu’une femme dont le sujet est très proche ; Tes silences et Tant je t’aime, de même que La fille du soleil, feront partie du spectacle Acoustique de 2001 et seront réenregistrées sur l’album Acoustique – Mes plus belles chansons qui sortira la même année, en octobre. En attendant Donner, en 2002.


Mais avant Donner, il y a eu deux chansons inédites enregistrées en public en 1999, sorties sur le double CD Portrait de scène. Toutes deux sont signées Michèle Torr et Daniel Mecca. La première c’est Sur les routes (CD 1). Musique de Claude Hazan.  Il y est question de la vie de saltimbanque que mènent chanteurs et musiciens, artistes de tous poils qui passent beaucoup de temps en déplacements, entre une ville, un village et le suivant, lors des tournées. Arbres qui défilent, hôtels, loges, rideaux, scènes, voix qui appellent, des sourires, des visages…Le vrai voyage, c’est lors du spectacle qu’il s’effectue, avec le public…Chanson tranche-de-vie, où sommeil rime avec soleil, que Michèle Torr et Daniel Mecca partagent, sans vouloir les offenser, depuis des lustres et même des décennies. Ils savent de quoi ils parlent. 


La seconde, c’est Charlotte (CD 2), qui sera aussi présente sur le CD single Je te dis oui qui sortira en septembre 99. Michèle Torr s’adresse à sa petite-fille Charlotte, la première de ses petits-enfants. Elle est tout à la fois petite, douce, fragile, ange, soleil, île, paradis, chanson, poème et  source, « un peu de moi que je retrouve en toi… », la « petite Charlotte que j’aime » C’est une jeune grand-mère qui s’émeut et s’émerveille d’un « bout de vie qui babille » comme elle le prévoyait dans Je serai ton amie en 1993, mais c’est finalement son fils qui lui aura le premier donné cette joie. Charlotte (la chanson) sera présente sur scène au Casino de Paris.


Michèle Torr et Daniel Mecca sont aussi  les auteurs de L’an 2000, créé à l’occasion du Casino de Paris en septembre 1999, inédit à ce jour. Le compositeur en est Claude Hazan. En voici les paroles :

L’an 2000

Les années filent on court on court jamais le temps
C’est pas facile de s’arrêter juste un instant
Pour vivre simplement au présent
Mais aujourd’hui je voudrais prendre cet instant Pour qu’il me reste à tout jamais au fond du cœur
Chanter avec vous ce refrain
Juste comme ça pour se faire du bien
Pour ne pas oublier que demain

Refrain :
Ce sera l’an 2000
On fera tout c’qu’on peut
Pour s’aimer encore
L’an 2000
Nouveau monde et nouveaux jours
Pour que l’amour soit toujours plus fort
L’an 2000
Je veux chanter pour qu’on soit toujours ensemble.

Je voudrais dire à tous ces hommes qui se déchirent
Combien de temps combien de jours faut-il encore
Pour voir enfin nos enfants sourire
Car si le monde ne vit plus que par des chansons
Tout changera
C’est l’amour qui aura raison
Nous chanterons encore ce refrain
Juste comme ça pour se faire du bien
Pour ne pas oublier que demain ce sera

Refrain : (2 fois)
Ce sera l’an 2000
On fera tout c’qu’on peut
Pour s’aimer encore
L’an 2000
Nouveau monde et nouveaux jours
Pour que l’amour soit toujours plus fort
L’an 2000
Je veux chanter pour qu’on soit toujours ensemble.

L’an 2000.

Merci à Jean-Raymond Peyronnet, qui nous a remis sa transcription des paroles de cette chanson.


Donner sort en avril 2002. Il comporte encore trois chansons cosignées par Michèle Torr. Trois chansons imprégnées de tristesse.
D’abord Comme ces pianos, avec Santo Barracato, le frère de Frédéric François. Une chanson dans laquelle on retrouve des bribes d’autres titres, comme autant de réminiscences qui ressurgissent du passé, de façon assez décousue, comme du casson ; on reconnaît en particulier des citations de Le Temps, sorti en 1984 sur Donne-moi la main, donne-moi l’amour, dont les paroles étaient signées Rodolphe Hassold :
« Etrange déchirement…Etrange mélange »,  « Etrange après-midi d’automne… »,
« Je n’ai pas vu (On ne voit pas) passer le temps »,
« Mon cœur se serre (appelle) et se déchire »,
« J’ai trop souvent fait mes valises »,
Ou « J’irai chanter jusqu’au bout de ma vie », emprunté à Minuit heure locale, sur le même album.
Ou bien encore « les (vos) enfants ont grandi », déjà entendu dans 20 ans d’amour en 1985. Et :
« Et moi je suis
Comme ces pianos
Qui pleurent de nostalgie
Sans dire un mot » a aussi été chanté dans Romantique féminine, en 1984.
Une chanson sur le déchirement de l’artiste qui a sacrifié sa vie familiale au profit de sa passion de chanter. Une chanson façon madeleine de Proust qui nous rappelle d’autres chansons, et des souvenirs, qui fera partie du tour de chant de l’Olympia 2002… 


Ensuite Tu veux chanter, en duo avec David Lazaro. Les paroles sont d’elle, de lui la musique. Au sujet de la transmission de la passion de la chanson, du partage du goût de chanter. Chanter, pour « libérer toutes ces choses qui dorment en » soi, une façon pour l’artiste d’appréhender, d’apprivoiser le monde qui l’entoure (« pour bien comprendre ce qu’il se passe autour de » soi, pour « libérer ce poids qu’on ne supporte plus », « pour oublier » ce qui échappe, ce qui s’écroule, pour retrouver la force et la victoire  tout en  s’appuyant sur le passé (« des mots que l’on entendait plus …»). Le chant, conçu comme une sorte de thérapie. L’essentiel, lui dit-elle, est de ne pas mentir au public : « ne leur mens pas », la sincérité avant tout…
La chanson sera reprise encore en duo avec Eric Payan, pianiste et arrangeur, sur la scène de l’Olympia en novembre et janvier 2003, et sortira aussi sur le double CD Olympia 2002 en avril 2003. Un moment fort de la deuxième partie de ce spectacle. Un beau duo-duel de voix à l’accent du sud qui a fait vibrer le music-hall du boulevard des Capucines.

La troisième, et seconde chanson cosignée avec David Lazaro s’intitule Emmène-la. Le titre rappelle inévitablement Emmène-moi danser ce soir, mais la rupture est consommée. Supplique au mari qui s’en va de ne pas abandonner celle qu’il a aimée, livrée aux démons de l’après-bonheur : ivresse, cris, SOS, volets fermés…Dépression au-dessus du jardin, dirait Gainsbourg…


Le 14 novembre 2002, Michèle Torr crée, en ouverture de son nouveau spectacle, à l’Olympia, C’est ma première, cosignée avec Eric Payan, qui est aussi l’auteur de l’instrumental Naïs qui a constitué la charmante transition entre les première et seconde parties du spectacle Avant d’être chanteuse, à l’Olympia également, en mai 2011. C’est ma première est une variation sur le thème de Rentrer sur scène, avec l’évocation du trac avant l’entrée en piste ( cœur au bord des lèvres dans la caresse des notes et des mots) , mélange de peur et de plaisir, et  un hommage appuyé à ses parents, par la citation de A mon père : « ce facteur du courrier du cœur qui a toujours fait mon bonheur » et  « au moment où tapent les trois coups, je caresse une alliance à mon cou », dont on sait bien qu’elle appartenait à sa mère. « C’est le théâtre de ma vie, mes parents me sourient… » tous deux réunis très haut dans le ciel, jusqu’où les notes sont montées. La chanteuse n’est apparue sur scène qu’au milieu de la chanson.  Par ailleurs, sur le piano d’Eric Payan, on verra un peu plus tard l’ours en peluche que lui a offert sa mère à l’occasion de son premier Olympia.


En 2005 Côté soleil (La couleur des mots) est un titre pour faire la fête, après les rappels et avant le final (C’est l’amour), sur la scène de l’Olympia, les 11, 12 et 13 mars, fête pour couronner 40 ans largement révolus d’une carrière diversement rythmée, mais lumineuse et colorée. Signée Michèle Torr et Daniel Mecca. On la retrouvera, autrement orchestrée, sur un rythme hispanisant, sur La Louve, l’année suivante.


En 2006, La louve est distribuée uniquement en Maison de la Presse. Après le projet d’un single, avec juste Côté soleil, c’est finalement un album de 16 chansons qui sort. On y trouve une nouvelle version acoustique de La louve, qui date de 1974 (face B de Une vague bleue, aussi sur l’album Un disque d’amour…) chantée pour la première fois en public à l’Olympia en 2005 dans une ambiance cabaret. Pas signée Michèle Torr ? Elle dit cependant en être à l’origine, et avoir pour le moins directement inspiré les auteurs…
« J’ai composé la musique de cette chanson et c’est mon ex-mari, Jean Vidal, qui l’a signée » (Platine, décembre 1997).



  On est tous un peu loups… Une nouvelle version, plutôt flamenco, de Côté soleil. Une autre version d’Emmène-moi danser ce soir. Une autre de Juillet-août à Tahiti, cosignée par Romain Vidal. Un inédit : Monsieur Cézanne, à l’occasion du centenaire de la mort du peintre, aixois d’adoption comme la chanteuse, avec la chorale des Petits Chanteurs d’Aix-en-Provence. Je te dis oui, seulement sorti en single en 99. Et surtout bon nombre des titres que Michèle Torr a cosignés dans les années 80 et 90 : Les mots pour te dire, Rentrer sur scène, Vivre dans l’instant, Seule, Tes silences, Regarde-les, La fille du soleil, Dans le blues de l’amour, Tant je t’aime et Charlotte. Il n’y manque que les chansons des années 60 et de 2002, question de droits peut-être, Ceux qui laissent, (signée Torr, vraiment ?) et L’an 2000 (qui aurait été un bonus alléchant). Une bonne occasion de trouver réunies ces chansons éparpillées dans sa discographie. Le Cd est encore en vente sur le site www.micheletorr.com.

 En 2008, le CD Ces années-là, prélude à un Olympia du 10 au 13 avril, sort le 3 mars. Deux nouvelles chansons, sur les sept inédites que compte le disque, qui contient par ailleurs sept reprises ou adaptations, sont cosignées par Michèle Torr (pardon, Michelle Torr, car pour l’occasion et pour quatre ans, la chanteuse perd l’accent de son prénom mais retrouve ses deux L ; mais elle ne s’y fera pas ; nous non plus, car Michèle Torr reste et restera Michèle Torr).
D’abord Toutes ces nuits, avec Daniel Mecca pour les paroles, et Philippe-Sylvain Sagnier pour la musique. Déclaration d’amour au son de guitares et de chœurs rock’n’roll.
Ensuite On se reverra, avec Iren Bo. Evidemment une chanson de scène. Cette fois, c’est au public que s’adresse la chanteuse et qu’elle lui déclare son amour et surtout qu’elle le remercie pour celui qu’il lui porte. Sur des nappes de piano et des chœurs essentiellement masculins, qui répondent pour nous. Les yeux qui brillent, les larmes et les sourires de fin de concert…Une histoire d’amour qui a tant duré qu’elle semble éternelle.
Ces deux chansons seront en bonne place dans le spectacle Ces années-là à l’Olympia puisque Michèle Torr chantera On se reverra en dernier rappel (le titre du spectacle y est répété : « …Michèle c’est toi, toi qui nous as donné ces joies toutes ces années-là… » chante le chœur des musiciens, et Toutes ces nuits constituera le final. Est-ce au  public qu’elle parle, et qui est là toutes ces nuits qu’elle passe avec l’homme de sa vie quand c’est vers la salle qu’elle pointe le doigt, ou à celui-ci qui est là malgré tout, toutes ces nuits passées avec le public, qu’il soit dans la loge, dans la salle ou ailleurs ? Souvent les auteurs aiment jouer sur cette ambiguïté, quand l’amour d’un homme et l’amour du public deviennent la métaphore l’un de l’autre…
On en trouve donc une version live sur les Double CD et DVD de l’Olympia 2008 uniquement disponibles sur le site de la chanteuse : www.micheletorr.com.
C’est aussi Toutes ces nuits qui clôt le spectacle Avant d’être chanteuse, en 2011. (Double CD et DVD Olympia 2011 parus en février 2013).


Avant d’interpréter le Notre Père, juste après J’en appelle à la tendresse, au cours du spectacle Avant d’être chanteuse, les 6, 7 et 8 mai 2011, sur la scène du boulevard des Capucines, Michèle Torr a déclaré : « Pour moi chanter c’est donner, bien sûr  c’est aimer, mais c’est aussi prier ».
En quelques mois ces mots sont devenus le refrain d’une chanson et le titre d’un nouveau CD sorti le 12 novembre 2012 : Chanter c’est prier. La chanson portant le même titre est  cosignée avec David Lelait-Helo.
« Chanter c’est donner
Chanter c’est aimer
(Chanter c’est prier)
Mais c’est surtout surtout prier
Chanter sans s’arrêter
Donner sans compter
(Chanter c’est donner)
Aimer sans se lasser
Prier pour l’éternité, » entend-on dans le refrain. On y retrouve les mots prononcés à l’Olympia, et on reconnaît dans les couplets une autre patte, tandis que la musique est signée Patrick Liotard, arrangeur de l’ensemble du CD. Un prélude à 10 reprises et adaptations de chansons « spirituelles » mais de variété, qui s’ajoutent au Notre père créé en 2011, par lesquelles la chanteuse exprime sa foi. Seule chanson entièrement originale de l’album, elle a dû être écrite au moment de l’enregistrement de ces titres en studio, au cours de l’été 2012. Une drôle de liturgie : de la batterie, d’énergiques guitares, des claviers alertes, des chœurs façon Pretenders… un rythme résolument rock pour une profession de foi atypique.

Chanter c’est prier est à ce jour le dernier titre signé Michèle Torr. Peut-être y en aura-t-il d’autres parmi les nouvelles chansons que prépare la chanteuse pour sa future rentrée parisienne qui, on le souhaite et on nous l’annonce déjà, sera précédée d’une rentrée discographique : la chanteuse sera bientôt en studio et un album de chansons inédites est prévu pour octobre. D’ici là on imagine, on a l’esprit qui part à la dérive

A suivre, peut-être...
© G.D. & E.D.

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