vendredi 1 avril 2016

Michèle Torr, profession artiste.



 Introduction.

« Profession artiste
Les yeux de toutes les couleurs
Née je ne sais plus le jour ni l’heure
Signe particulier sensible
Profession artiste
Que l’on soit mime ou bien chanteur
On est toujours seul sur la piste
Même à l’ombre des projecteurs… »
Profession artiste, 1978.

Michèle Torr a chanté les artistes. Tous les artistes: musiciens, clowns, peintres, comédiens, écrivains, chanteurs… Et en chantant ces derniers, c’est aussi elle-même qu’elle a souvent chantée, livrant un peu, beaucoup d’elle-même en même temps, au détour de quelques remarques…intimistes, comme elle l’a fait également au Trianon, le dimanche 18 octobre 2015.
 « Le succès d’un chanteur est comme celui d’un boxeur
Il a trois minutes pour toucher au cœur
J’ai pas toujours gagné c’est le destin qui l’a voulu
Mais aujourd’hui merci n’en parlons plus… »,
Lettre ouverte, 1981.
En plus de cinquante ans, inlassablement, de demi-succès en triomphes, la chanteuse n’a cessé de reprendre son bâton de pèlerin pour repartir en tournée. Elle semble désormais avoir l’intention de proposer des formules différentes selon les lieux qui seront prêts à accueillir son spectacle… Si Chanter c’est prier, la tournée des églises, semble s’être un peu vite essoufflée, rien ne nous dit qu’elle ne prendra pas un nouvel essor, cet automne ou cet hiver, puisqu’un nouveau concert aura lieu le 4 novembre à Belleville alors qu’une autre tournée aura débuté dès le mois de mai, avec un concept assez proche, en piano-voix, qui s’inspirera aussi, peut-être, du spectacle «intimiste », entre café-concert et music-hall, du Trianon.  Et on attend - pour la rentrée prochaine ou pour les fêtes?- la sortie d’un DVD, Le Paris de Michèle Torr, Olympia et Trianon 2015.
Mais aussi, entre temps, quelques dates éparses, avec l'orchestre de Richard Gardet…
« Mais laissez-moi souffler
Et retrouver ma voix… »
Diva, 2014.
Qu’elle se ressource, après une des années les plus riches et les plus créatives de sa longue carrière.
Et nous, de continuer de l’écouter, encore et encore, nous distiller quelques confidences, au fil de ses chansons.


Il est une catégorie d’artistes dont nous avons déjà parlé dans une autre chronique : Michèle Torr : en avant la musique ! Ce sont les musiciens.
« Métier musicien
Métier baladin
Mais dites-moi donc
Un métier plus beau… »
Entrée des artistes, 1982.
Alors nous allons nous aussi « faire un petit retour en arrière », et nous rappeler quelques-unes de ces chansons que nous avons déjà évoquées, et puis d’autres, dont nous n’avons encore rien dit.


Michèle Torr a chanté dans plusieurs titres ces musiciens anonymes qui nous accompagnent dans nos vies, parfois dans le métro ou dans la rue, contre un peu de Menue monnaie, ces Mister Melody , ces Vagabonds du soleil, cet Accordéoniste, qui font rêver les jeunes filles et puis s’en vont chercher ailleurs on ne sait quoi. Ces musiciens à qui on demande sans plus de façons  « Mets un tube dans ton piano » seulement pour nous divertir, qu’ils fassent ou pas partie de l’un de ces orchestres dont elle parle aussi dans Histoire de la musique populaire, Le château des grisailles, Mariage ou Je reviendrai dans mon pays. Ce sont eux également qui nous font voyager et nous emmènent, le temps de quelques notes, à l’autre bout de la Terre, par exemple en Argentine (Argentina, La vie tango…). Et c’est la vie parfois tragique de ces mêmes musiciens qui parfois nous émeut aux larmes (L’homme à la guitare d’or)…
Dans d’autres chansons, ce sont des groupes, de célèbres musiciens ou compositeurs qui sont cités et à qui hommage est ainsi rendu : Les Fantômes, les Pirates, les Chats Sauvages et les Chaussettes Noires, Danny Logan, Lucky Blondo… dans Boulevard du rock, Bob Dylan dans La musique de là-bas, les Shadows dans Discomotion, , BB King et les Moody Blues dans La musique de mes idoles, John Lennon et les Beatles dans Adieu Lennon et Cette année-là, Bob Marley et Gainsbourg dans Rue de la Jamaïque, les Rolling Stones dans Aventurier, Messieurs Trenet et Montand dans Le blues de Paris, Monsieur Ferré dans Le ghetto, Gilberto Gil dans Carnaval à gogo… tandis que les compositeurs classiques, Pachelbel, Vivaldi, Wagner, Albinoni, Mozart ou Chopin, sont cités dans Mélancolie femme, Toi émoi, Les choses de la vie, Sentiments ou La Pologne (cela aurait pu être là la matière à une partie de spectacle symphonique…).
Et Mes amis musiciens est consacrée à tous les autres, ces musiciens plus ou moins anonymes qui accompagnent les chanteurs.


 Il y a aussi un autre chef d’orchestre qu’il faut ajouter à la liste de ceux qui ont accompagné Michèle Torr au cours de sa carrière, de Jean Chevallier à Richard Gardet et Guy Mattéoni: il s’agit de Mathieu Chocat, qui, avec Stéphane Trognon et Philippe Schmidt, a collaboré avec elle pour la Tournée des églises, Chanter c’est prier, et s’apprête à continuer, en 2016 et 2017, avec un nouveau spectacle (peut-être en piano-voix ?).
Enfin, il y a une autre musicienne à qui Michèle Torr a rendu plus particulièrement hommage. Il s’agit de Madame Paule Viaud, son professeur de chant quand elle était encore une apprentie-chanteuse.
« En 62
Dans un petit village de Provence
J’apprenais à chanter
Sur la musique de mon professeur de chant
Tous les jeudis après midi
Je venais là au cours de chant
Et le piano du professeur
Remplaçait à lui seul mes jouets d’enfant… »
C’était en 1978, dans Le cours de chant. Elles sont restées fidèles l’une à l’autre, et Madame Viaud, jusqu’à la fin de sa vie, a fait partie du fan-club de la chanteuse, Les amis de Michèle Torr. C'est Madame Viaud elle-même qui a signé la mélodie de cette chanson, qui ferait merveille dans un récital en piano-voix...


« Entrée des artistes
Quand le clown est triste
Il cherche des yeux le cœur d’un piano »,
Entrée des artistes, 1982.
Michèle Torr a souvent déclaré avoir beaucoup d’admiration pour les artistes de cirque, et en particulier pour les clowns, et c’est à l’un de « ces merveilleux clowns », probablement imaginaire, qu’est consacrée l’une des plus belles chansons de scène de la chanteuse : La ritournelle. Cette chanson, elle l’a souvent entonnée, à la manière d’une trapéziste, sans filet « et sans micro », dans bon nombre de ses tours de chant. Histoire triste, pathétique, d’un vieil artiste qui n’a pour continuer à vivre que son numéro et qui, alors que sa prestation, effectuée avec un violon, en compagnie d’un chien, ne fait plus rire, va quitter la scène pour disparaître à jamais, Dieu seul sait où.

Dans Les comédiens, chanson empruntée à Charles Aznavour, est évoquée la vie de saltimbanques des artistes (comédiens, musiciens, magiciens) qui partent en tournée, montent et démontent les estrades une fois le spectacle donné, pour s’en aller pendant la nuit vers un autre village. Elle a aussi évoqué le métier de « …star de cinéma… » dans Cendrillon rock, en 1986.


C’est à une autre sorte d’artiste qu’est dédiée La prière sévillane, car un torero, quoi que l’on pense de la corrida, est à sa manière un artiste, entre l’acrobate et le danseur. Michèle Torr a rencontré et posé avec El Cordobès, à Biarritz, en août 1980. Mais la chanson est  plus exactement consacrée à la mère d’un autre torero, César Rincon, s’adressant à Dieu pour le prier que son fils ne perde pas la vie dans l’arène…
« Quand son fils son seul credo
Marchera vers le taureau…
Et quand il sera tout près de toi
Quand sa corne enroulera
Ta muleta
Mon amour si ta vie s’en allait
Je n’aurais plus qu’à te rejoindre au ciel ».
Car les artistes paient parfois de leur vie la liberté d’expression et de l’exercice de leur art et tombent, encornés dans une arène ou ailleurs, sous des balles ou d’autres coups… 

Elle a lu Colette et Calamity Jane aux Flâneries d’Art d’Aix-en-Provence en juin 2014, mais elle ne les a pas chantées. Elle n’a pas non plus chanté Henri Bosco, qui a écrit L’enfant et la rivière, l’histoire de deux enfants, l’un plutôt timoré et contemplatif, l’autre plus roublard et combatif qui se situe au cœur du pays d’Aygues, entre Cadenet (où est née sa mère), Pertuis (où elle est elle-même née) et Ansouis, où elle a vécu enfant. Henri Bosco est inhumé, pas très loin d’Albert Camus, dans le cimetière de Lourmarin, le plus beau village de Provence, selon Michèle Torr. Elle a parlé du Petit Prince,
« … je relirai encore l’histoire du Petit Prince… »,
dans La Province, en 1984.
Pour les écrivains… 
tel Stendhal « Rouge et noir tout en prose »,
Couleurs, 1977, ou George Sand :
 « Quand George Sand aimait Chopin
En prose ou en alexandrins »,
Romantique féminine, 1983. (Elle parle aussi de La maîtresse du lieutenant français, des Hauts de Hurlevent, de La princesse de Clèves, de Madame Bovary, de Scarlet O’Hara, héroïne d’Autant en emporte le vent…dans cette chanson).
Tels René Fallet et Aragon cités dans, encore,  La province, 1984.
Mais c’est surtout Marcel Pagnol, le chantre de sa Provence…
« La maison de mon enfance
Ressemblait aux histoires de Pagnol »,
La maison de mon enfance, 1978…qu’elle a évoqué, demandant même à Pierre Grosz en 1993 de lui consacrer une chanson :


Fanny sur le port.


Plus sédentaire, bien qu’il ait beaucoup marché pour peindre sa montagne sous tous ses angles,  la vie du peintre aixois, Monsieur Cézanne. Si sa ville a longtemps tardé, de même que Paris…
« Paris n’a rien vu quand vous leur disiez
Rira bien qui rira le dernier
Depuis un siècle c’est fait »
… à reconnaître son talent, elle s’est également bien rattrapée depuis, et c’est à l’occasion des cent ans de la mort du peintre que la chanson a été créée, en 2006.
« Cette montagne
Monsieur Cézanne (2 fois) (Parlé, voix d’homme)
Elle vous appartient
De l’avoir tant aimée
La gloire y fait chanter
Votre nom à jamais
Cette montagne
Monsieur Cézanne
Cette montagne vous appartient
La main de Dieu en tombant des nuages
S’est posée tant de fois
Sur vous Paul Cézanne
Là où le ciel touche le chapeau
Vous étiez à égalité
Avec l’éternité
Et Dieu seul vous voyait
Cette montagne
Monsieur Cézanne (2 fois)
C’était votre royaume… ».
Et Cézanne…
 « un nouveau saint de notre Midi »
…s’en est trouvé en quelque sorte sanctifié.
Michèle Torr sait combien il faut se montrer opiniâtre pour s’imposer. L’opiniâtreté, Cézanne et elle l’ont en commun.


Mais, bien sûr, car ce sont eux qu’elle connaît le mieux, les artistes qu’elle a le plus chanté, faisant partie de leur confrérie, ce sont les chanteurs. John Lennon dans Adieu Lennon en 1981, Elton John dans Où est ton étoile en 1988 ou, de façon plus personnelle, Claude François dans On aurait pu s’aimer d’amour en 2008…
 « C’est à toi que je dois
Mon premier Olympia
Shalimar de Guerlain
Qui est resté mon parfum
Tu as été le témoin
De mon plus grand chagrin
J’ai pleuré dans tes bras
Des choses qu’on n’oublie pas
Je t’ai connu heureux
En chanteur malheureux
Sur le plan amoureux
On s’est suivis de peu
De paroles en musique
Tu as tout partagé
Avec tout ce public
Qui ne t’a pas lâché
On aurait pu s’aimer d’amour
L’amitié nous a pris de court
En s’imposant tout simplement
Comme le plus fort des sentiments
Loin des serments qui jouent des tours
On a tout misé sur toujours
En choisissant de s’aimer tout court… »,
On aurait pu s’aimer d’amour, 2008.
Elle a évoqué Elvis Presley, dont elle a repris Only you et Always in my mind (Je te portais dans mon cœur, 1995 / Toujours dans mon cœur, 2008) dans Boulevard du Rock, et à nouveau dans Lui (« Il n’y a pas de rock and roll sans King »), mais aussi Johnny (Hallyday) dans Boulevard du rock également, avec Sylvie (Vartan) dans Discomotion.


 « Je chante encore des chansons
Voilà ma passion…
J’ai toujours l’amour aux lèvres
Il m’arrive d’avoir la fièvre
Pour un garçon une nuit
Ou pour une mélodie
L’amour ou bien la musique
Je resterai romantique
Pour toute ma vie… »,
Je m’appelle Michèle, 1976.
« Je chanterai pour elle
Je chanterai pour lui… »,
Route 66, 2014.
« Je voulais seulement chanter pour toi »,
Ma première chanson, 1979.

Bientôt, la suite: Michèle Torr, profession chanteuse.


©ED & GD. 



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