lundi 21 août 2017

Michèle Torr, De l’Olympia au Trianon


L’événement important de l’été 2017 en ce qui concerne Michèle Torr, c’est la sortie (en toute discrétion, sur le site www.micheletorr.com exclusivement) au début du mois de juillet, d’un double DVD,  De l’Olympia au Trianon.
Il y a déjà quelques mois, pour fêter ses cinquante ans de carrière, l’artiste avait choisi, dans le cadre du Paris de Michèle Torr,  de nous faire le plaisir de nous offrir,  non pas un nouveau spectacle, mais deux spectacles différents, qu’elle a créés respectivement sur les scènes de l’Olympia (Amour, toujours) un  11 janvier, et du Trianon (Intimiste), le 18 octobre de la même année.

Et c’est bel et bien l’intégralité de ces deux concerts exceptionnels que l’on retrouve sur ce double DVD.

Michèle Torr - Amour toujours à l’Olympia 


Dimanche 11 janvier. Quatre jours après l’attentat perpétré contre  Charlie Hebdo. Le monde entier est Charlie. Une atmosphère étrange a envahi Paris. 16 heures, le spectacle Amour, toujours, le premier du Paris de Michèle Torr, va commencer à l’Olympia,  Boulevard des Capucines, alors qu’une marée humaine se déplace entre la place de la République et celle de la Nation. La salle s’est tout de même bien remplie. 35 ans après l’attentat de la rue Copernic,  après la première chanson, nouvel appel à la tendresse,
 « Merci d’être venus, en ce jour si particulier… »,  pour introduire Je ne veux chanter que l’amour… La chanteuse, en habit noir, dit avoir fait le choix, comme tant d’autres, de « continuer », de continuer à chanter, de continuer à vivre. Pour lutter contre la barbarie. The show must go on.

Voici la liste des titres qui ont composé ce spectacle.
1/ Diva (première moitié)
2/ Je ne veux chanter que l’amour
3/ Le pont de Courthézon
4/ T’es l’homme qu’il me faut
5/ Discomotion
6/ A mon père
7/ Tout l’amour du monde
 « …devant les synagogues, devant les mosquées, devant les cathédrales… »
8/ J’en appelle à la tendresse
9/ Chanter c’est prier
L’intermède entre les deux parties du tour de chant a été constitué d’une version instrumentale aux couleurs celtiques de J’aime, très réussie ; puis la chanteuse, en veste crème sur chemisier et pantalon de cuir noirs,  est revenue pour chanter…
10/ J’aime
11/ Je ne veux que toi
12/ Ils s’aiment et alors ?
13/ Emmène-moi danser ce soir
14/ La quête
15/ Et toute la ville en parle
16/ Medley :
Une petite Française
Cette fille c’était moi
Lui
Une vague bleue
Midnight blue en Irlande
17/ Je m’appelle Michèle
18/ Diva (deuxième moitié)
19/ Laisse-les dire.


Dès le début du spectacle c’est l’émotion qui prévaut. Les applaudissements sont nourris après la plupart des titres, souvent les spectateurs se lèvent et frappent longtemps dans leurs mains, après les tubes de même qu’après les nouvelles chansons. Ovation plus marquée encore après La quête, a cappella. C’est une ambiance d’amour et de fraternité, d’ouverture et de tolérance qui a empli la salle : la chanteuse a parlé d’amour, toujours bien sûr, de toutes les formes d’amour, y compris des amours homosexuelles, elle a parlé de foi, elle a évoqué ses « héros » : Piaf, Brel, son père… Ses chansons les plus connues étaient là, régulièrement réparties, de même que six (sur onze) du très beau nouvel album de la Diva que le public a portée « à bout de bras » (dommage cependant que la chanson n’ait pas été chantée en entier à la fin). Emotion prenante qui a fait parfois couler des larmes sur ses joues. Emotion vibrante en particulier au moment de J’en appelle à la tendresse, évidemment. Le spectacle, un peu plus court que de coutume, se termine avec l’entraînante Laisse-les dire qui laisse ses notes dans la tête, le sourire sur les lèvres  et du baume au cœur des spectateurs… Avant le rendez-vous suivant.

De cet Olympia, que l’on redécouvre bien en intégralité sur DVD,  on retrouve aussi, intacte, toute l’émotion.
Michèle Torr - Intimiste, au Trianon.


C’est au Trianon, Boulevard de Rochechouart, dans le 18ème arrondissement, que s’est prolongé et terminé, le dimanche 18 Octobre suivant, à 16 heures, le Paris de Michèle Torr.
Ce ne fut pas un spectacle intimiste tel que le laissait préfigurer son titre, avec un piano-voix-violon du début à la fin, mais certainement le spectacle le plus personnel et le plus riche de la chanteuse sur une scène parisienne. Et un vrai "cœur à cœur" a bien eu lieu.
Elle s’est montrée, vêtue de mousseline rouge et de dentelle noire puis de satin noir tout brodé de strass, telle qu’elle avait envie de le faire depuis longtemps.
Enfin, serait-on tenté de dire.

Elle y a repris un certain nombre de ses tubes : Midnight Blue en Irlande, Discomotion, J’en appelle à la tendresse, J’aime (extrait), Emmène-moi danser ce soir et Je m’appelle Michèle, alors que ses musiciens et choristes ont entonné, entre les deux parties du spectacle, un « medley » au cours duquel on a pu entendre, presque dans l’ordre chronologique, C’est dur d’avoir seize ans, Dans mes bras oublie ta peine, Ce soir je t’attendais, Cette fille c’était moi, Une vague bleue, Lui et Une petite Française. Et en entendant les choristes fredonner ces airs-là, on comprend aussi pourquoi on a aimé cette voix unique, profonde, à la diction parfaite. Peut-être y manquait-il Un enfant c’est comme ça, mais réentendre ces extraits est bien agréable.

Pour la partie intimiste telle qu’on l’attendait, on a pu écouter A mon père ainsi que, pour débuter la seconde partie,  Chanson inédite (intimiste sur le plan des paroles, mais pas des arrangements !),  le très théâtral Et toute la ville en parle et surtout, avant Qu’est-ce qu’ils disent ?Diva...
Mais là où elle a le plus étonné, c’est en recréant, dans ce beau théâtre du Trianon, au pied de la butte Montmartre, l’ambiance des cafés-concerts d’antan, en donnant à son spectacle des couleurs de récital de chanteuse réaliste, auxquelles ont contribué la reprise de Je suis seule ce soir de Léo Marjane, mais aussi T’es l’homme qu’il me faut d’Edith Piaf, Il se peut que je t’aime encore, de Charles Dumont (et Sophie Makhno), Si je n’avais plus, d’Aznavour, ou encore Quand on n’a que l’amour, de Brel, interprété a cappella et sans micro…
Mais Michèle Torr aime le rire et le music-hall, c’est pourquoi elle a aussi choisi de proposer, affublée d’un grand « truc en plumes », un « medley » de chansons de Mistinguett tout empreint de gouaille bien parisienne, avant  le primesautier Ils s’aiment et alors ? (sur les amours homosexuelles, qui rappelle par son thème le Comme ils disent d’Aznavour). Et puis elle a chanté Diva, qui a pris ici toute sa dimension, à la fois intimiste, avec le ton de la confidence et des accents de Barbara pour s’adresser au public, mais aussi humoristique, avec l’insertion par Georges Chelon dans la mélodie d’Alice Dona, de l’extrait de L’Air des Bijoux de Charles Gounod, cher à La Castafiore, tout en restant  dans l’ambiance café-concert qui teintait l’ensemble du spectacle. Et c’est avec humour aussi qu’elle s’est tournée vers nous pour dire, en réponse à la question habituellement posée par les journalistes pour savoir si cela ne la gêne pas d’être une chanteuse populaire, avec un zeste d’Arletty dans le ton et dans le geste : « Pas du tout ! », annonçant ainsi sa dernière chanson, le festif  Qu’est-ce qu’ils disent ? .

Alors que de Chanter c’est prier il n’est resté que Coupo Santo, de son dernier album Diva, Michèle Torr aura donc chanté cinq chansons, Je ne veux chanter que l’amour, Tout l’amour du monde, Il se peut que je t’aime encore, Diva et Qu’est-ce qu’ils disent ? dans un spectacle où elle s’est essayée à la formation  intimiste du piano-violon-voix, au répertoire de la chanson réaliste et à la « revue » tout en restant… Michèle Torr. Certains ont été touchés par certaines de ses interprétations car elle était très « en voix » et s’est montrée très émouvante, d’autres étonnés qu’elle ait ainsi osé s’amuser en imitant Mistinguett ou en se moquant d’elle-même, et tous ravis de voir que, malgré tout, elle était restée… la même. Une grande dame de la chanson qui a tenu à faire plaisir à un public dont elle sait quels sont les goûts tout en étant fidèle aux siens.

Les inédits du Trianon.


Le premier, c’est Je suis seule ce soir, de Léo Marjane, une chanson datant de 1941, dans laquelle il est question de ces nombreuses femmes dont le mari était parti à la guerre, ou bien en Allemagne pour le STO (Service de Travail Obligatoire). De cette chanson de Jean Casanova et Rose Noël composée par Paul Durand, elle n’a chanté que deux fois le refrain et un couplet :
« Je suis seule ce soir avec mes rêves,
Je suis seule ce soir sans ton amour.
Le jour tombe, ma joie s'achève,
Tout se brise dans mon cœur lourd.
Je suis seule ce soir avec ma peine,
J'ai perdu l'espoir de ton retour,
Et pourtant je t'aime encore et pour toujours
Ne me laisse pas seule sans ton amour.

Je viens de fermer la fenêtre,
Le brouillard qui tombe est glacé ;
Jusque dans ma chambre il pénètre,
Notre chambre où meurt le passé.
Refrain
(Dans la cheminée, le vent pleure,
Les roses s'effeuillent sans bruit,
L'horloge, en marquant les quarts d'heure,
D'un son grêle berce l'ennui
Refrain
Tout demeure ainsi que tu l'aimes,
Dans ce coin par toi dédaigné,
Mais si ton parfum flotte même,
Ton dernier bouquet s'est fané.
Refrain)
Ainsi Michèle Torr s’est-elle fait le plaisir de reprendre une de ces chansons dites « réalistes » qu’elle affectionne et dont elle avait eu le projet d’en faire un album en 2007.

Autre plaisir qu’elle s’est fait, c’est le medley en hommage à Mistinguett, à Paris et à ses « petites femmes » qu’elle nous a livré en début de deuxième partie, juste après Chanson inédite. Il lui a permis de réaliser un autre de ses rêves: nous donner à voir et à entendre une mini-comédie musicale, elle qui avait eu le projet d’un spectacle total en 1984, pour fêter ses vingt ans de carrière, mais qui n’avait pas abouti. Elle nous raconte l’histoire d’une « petite femme de Paris » en enchaînant de nombreux extraits de titres de la Miss entre lesquels elle a jeté des ponts : Gosse de Paris (Je suis née dans le faubourg Saint-Denis),  Moi j’en ai marre, La java, En douce, Une petite belotte, Mon homme et On m’suit (Je suis une blondinette), l’histoire d’une jeune Parisienne un peu chanteuse qui, après des moments difficiles, rencontre l’amour avec un beau gars qui va finir par être violent avec elle et la pousser à le quitter. Elle y gagnera la liberté et la gaité retrouvée… 
« Etant née dans le faubourg Saint Denis
Je suis comme la miss une vraie gosse de Paris
Ses refrains tendres et moqueurs
C’est toute ma vie
Je les connais par cœur
Dans la pluie et le vent
J’ai chanté souvent
Moi j’en ai marre
Quand j’avais pas le rond
Et que les bons gueuletons
Se faisaient rares
Mais dans ma détresse
Sans cesse je pensais
Qu’une vie nouvelle
Plus belle
S’amenait
Or un beau jour
Voilà que l’amour
Fit battre mon cœur
Dans un petit bal
Près des Halles
J’ai connu le bonheur
Je danse la java
Avec un beau gars
A qui je dis bientôt
J’aime ta casquette
Tes deux rouflaquettes
Et ton vieux mégot
Tous les deux en douce
Alors on part bras dessus bras dessous
Assis dans la mousse
Il me disait des mots très doux
Pour perdre ma fleur d'oranger
J'ai pas dérangé
Le maire, le curé,  le bedeau
Et des tas d' badauds !
J'ai fait ça en douce
Et j'ai connu sur le gazon
La grande secousse
Et le fameux petit frisson
Et lorsque j'ai chaviré
J'ai rien dit, rien soupiré
Mais j'ai caché ma frimousse
Afin de pleurer en douce
Alors tous les deux
Le cœur amoureux
Nous vécûmes des jours heureux
On se fait une petite belote
Après le dîner
Il m’ disait « C’est ça qui m’botte
Mieux que le ciné »
Quand il gagnait la partie
Il me disait des mots mignons
S’il perdait quelle tragédie
Alors il me flanquait des gnons
Moi je lui disais
Tu peux faire ce que tu veux
T’es mon homme
Sois méchant sois nerveux
Traîne-moi par les cheveux
C’est mon homme
Pourtant un beau jour
Lasse de recevoir des coups
De mon homme
Sans rien dire …
Je l’ai quitté
Je n’avais plus rien
Plus de soutien
Juste un gardien
Mon pauvre chien
Qui m’aimait bien
Et depuis ce temps-là
J’ai eu des hauts des bas
Oui mais le passé maintenant
C’est le passé
Paraît que j’ai la binette
De Mademoiselle Mistinguett
Comme elle n’est que gaité
Je peux chanter
Je suis une blondinette
Une vraie coquette
Et dans tout Paris on m'suit
On m'dit vos petites fossettes
Vot' nez en trompette
Comme il est gentil
Mais oui
Hé, monsieur l'sergent d'ville
Regardez la vie d'ces imbéciles
On m'suit
Ils promettent des châteaux
Des perles et des autos
Et puis ils vous font la peau
Je suis une blondinette
Je suis très coquette
Et dans tout Paris on m'suit… »
Un bien joli moment qui a enchanté le public Et quel plaisir de la voir s’amuser ainsi !

Enfin, elle a repris Si je n’avais plus de Charles Aznavour, plutôt que de chanter Je ne veux que toi ou Quand tu m’aimes qui figurent sur Diva.
« Si je n'avais plus
Si je n'avais plus
Plus qu'une heure à vivre
Une heure et pas plus
Je voudrais la vivre
Au creux de ton lit
Car j'aurais chéri
Ma peur à combattre

Penché sur ta vie
Pour l'entendre battre
Je pourrais garder
Au fond de mon cœur
Sous la terre froide
Un peu de chaleur
Que j'emporterais

Si je n'avais plus
Si je n'avais plus
Plus qu'une heure à vivre
Une heure et pas plus
Je voudrais la vivre
A l'aube d'un jour
Sur un lit d'amour
Pour n'avoir à dire

Que des mots d'amour
Pour te voir sourire
Et ne plus penser
Et ne plus penser
Qu'une autre après moi
Te verras sourire
Qu'une autre après moi
Pourra t'enlacer
Et dans un baiser
Et dans un baiser
Le corps apaisé
Le cœur allégé
D'un million de doutes
Mon dernier sommeil
M'ouvrira la route
Qui mène au soleil ».


Que ces trois moments figurent sur le double DVD  De l’Olympia au Trianon en justifie pleinement la sortie. On y retrouve bien toutes les chansons que Michèle Torr a chantées au Trianon, même si on peut regretter que les  titres soient séparés par des « fondus au noir » qui, écourtant les applaudissements, nuisent à la restitution de l’ambiance si chaleureuse du spectacle. Il n’empêche, l’essentiel est que l’on puisse vivre ou revivre ces moments de pur bonheur.

Michèle Torr, De l’Olympia au Trianon
Double DVD à commander sur le site www.micheletorr.com



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