mardi 21 juillet 2015

Michèle Torr chante l’océan, les îles, la mer, les plages….


 « Mes yeux bleus
Sont un océan
Et tu devras le traverser un jour
Si tu me veux »,
Mes yeux bleus, 1976.

Elle a été élue plus beaux yeux  (bleu horizon) de la Côte d’Azur, et elle nous lance un défi : traverser une fois de plus l’océan de ses cinq cents chansons  environ pour tenter, une fois de plus, de deviner, à travers elles, qui est  la sirène qui les a entonnées pour nous enchanter.
Sirène que son père  « appelle Méditerranée
Depuis le jour où [elle est] née »,
A mon père, 1983.
Mi-femme mi-oiseau migrateur dont la terre natale continue d’exercer son attraction sur elle:
«Les oiseaux du voyage
De loin vers tes rivages
Retournent et moi je suis comme eux »,
Mon sud, 1993.
La Provence, terre d’eau, pays d’Aygues dont elle est originaire, bordée par la Grande Bleue.
Destination privilégiée de vacances qui va attirer encore cet été son lot d’estivants.
 « Je chante quand je vois la mer
Et que le sable est encore chaud… »
Je ne sais pas pourquoi, 1977.


Pourquoi ? La mer, le sable, ce sont les vacances, tout simplement. Le farniente.
Et puis « C’est joli la mer
Au sable fin des jours… »
C’est joli la mer, 1987.
La mer, la sienne, c’est celle aussi de Charles Trenet, avec ses golfes, ses reflets d’argent, ses reflets changeants, la mer, bergère d’azur qui confond ses blancs moutons, qui danse et qui berce les cœurs. 1987.
Peu importe au fond pourquoi
« Un chant de sirènes
Toujours me ramène
Aux délectables
Souvenirs de sable
J’ignorais
Qu’un jour j’aimerais jaune »,
Un chant de sirènes, 1995.
Tel Ulysse attaché par ses marins à son mât, et quoi qu’il nous en coûte parfois, nous ne nous lassons pas d’écouter cette femme-qui-chante-là.


 La mer, c’est donc d’abord une destination privilégiée pour les vacances, pour rompre la monotonie du quotidien, pour fuir la ville, pour fuir sa vie quand elle nous rend le cœur chagrin, juste pour quelques temps:
 « Seule dans le jour qui s’enfuit
Seule entre quatre murs gris
Je rêve d’une plage
D’un soleil qui m’aiderait à t’oublier
Dans chaque rue de Paris
Je ne vois plus que l’ennui
Je rêve d’une plage
Où je pourrais trouver un autre amour…
Je rêve d’une plage
D’une plage où j’essaierais de t’oublier… »,
Moi je rêve d’une plage, 1965.
« Quand je lis mon journal intime
Avec ces prénoms anonymes
Je n’ai plus qu’à imaginer
Un coin de Méditerranée »,
Chanson napolitaine, 1985.


Alors on part à la mer. Les enfants apprécient :
 « Sais-tu petit où je t’emmène
C’est vrai là-bas il fait beau
Tu feras des châteaux de sable
 A quelques mètres de l’eau…
Au soleil…
C’est le soleil qui fait briller la mer… »,
Soleil, 1976.
Et les parents aussi.
« Il est midi un quart
Et les senteurs marines
Inondent les quartiers
Surchauffés d’émotion »,
A l’heure de l’apéritif,
Amour de ma jeunesse, 1985.
Là-bas, la vie n’est pas compliquée. Les vacances, c’est le moment des rencontres et des retrouvailles.
 « Le soleil ne brille pas ici dom dom dom dom
Et la plage est vide aujourd’hui dom dom dom dom…
Mais là-bas au bout de la plage dom dom dom dom
Je te vois tu reviens vers moi dom dom dom dom
Tous les trains peuvent s’en aller
Puisque je suis dans tes bras
La plage est remplie de joie
Et le soleil brille… »,
Dom dom, 1966.
 On profite de la fraîcheur de l’eau et on s’amuse.
« On a couru tous deux
Et l’on s’est baignés
Il m’a jeté de l’eau
Riant aux éclats
Et se moquant de moi
Qui n’aimais pas ça…. »
Doucement simplement tendrement, 1966.
Et le soir, on danse, on fait la fête.
 « Toute la plage danse
Des soirées entières
Toute la plage danse
Sur notre air… »
Toute la plage danse, 1967,
sur des musiques festives :
« Côté soleil
Rien ne sera plus pareil
Quand on bat la musique
Couleur du Pacifique »,
Côté soleil (La couleur des mots), 2005.


On profite aussi de moments plus « romantiques » :
« Bleu comme la mer qui se confond avec nos yeux »,
Bleu, 1975,
et on s’aime :
« Moi je t’aime pour le bruit le silence
Pour les nuages et pour les océans », et pour
Un mot de toi, 1986,
sur tous les rivages :
 « Océan océan
Atlantique Pacifique
Romantique électrique… »,
Océan, 1979.
 « Les matelots les pirates
Pacifiques
L’océan vient danser... »
Rue de la Jamaïque, 1983. 


La mer, c’est le rêve de tous les enfants qui ne l’ont pas encore vue :
« Ah ! mon Dieu qu’il était grand
Mon ami l’océan
Dans tes rêves d’enfant
Mets ton cœur au fil de l’eau
Danse encore sur les flots
Du voyage en bateau »,
Le voyage en bateau, 1984,
et c’est aussi des images de cartes postales :
« Je t’avais rapporté
Des couchers de soleil sur fond de Méditerranée
Des voiliers dans le vent
S’éloignant du rivage
Des sourires d’enfants
Courant sur la plage »,
Je t’avais rapporté, 1988.


 «  Une vague bleue qui veut m’emporter
C’est comme un amour qui aurait existé
C’est comme un soleil là-haut dans le ciel…
C’est comme une histoire que j’aurais inventée
C’est comme le vent un soir de printemps…
C’est comme un secret que j’aurais bien gardé
C’est comme une fleur posée sur mon cœur …
C’est comme un espoir que j’aurais effleuré
C’est comme un bateau voguant sur les flots…
Ce n’est rien que moi
Tombant dans tes bras…dansant avec toi…
Dormant contre toi… rêvant près de toi… »,
Une vague bleue, 1974.
(C’est probablement de toutes ses chansons  sur le thème celle-ci que Michèle Torr aime le plus. Elle n’est peut-être pas de celles que l’on diffuse encore sur les radios mais ceux qui ont plus de trois fois vingt ans se la rappellent faisant un tabac dans les bals. Et elle fait partie de la liste des chansons de la plupart des spectacles de la chanteuse. Elle fut de tous les Olympia et  on l’a encore entendue dans le medley de celui de janvier 2015, Amour, toujours.
Mais l’un des plus beaux moments concernant cette chanson s’est produit un soir de janvier 2013, lors de la tournée qui a suivi la sortie de Chanter c’est prier, En concert avec vous. Alors que la chanteuse venait de commencer à interpréter la chanson, tout-à-coup tous les instruments et les choristes se sont tus, et l’on n’a plus entendu que la voix de la chanteuse qui, ne sachant pas que la table de mixage venait de rendre l’âme, a continué de chanter sans du tout forcer sa voix, croyant qu’elle était encore portée par le micro. Le retour devait se faire normalement dans les oreillettes et les musiciens ont continué de jouer, comme si de rien n’était. Quand se sont-ils rendu compte qu’il y avait un problème ? Eux seuls se le rappellent, mais ils ont laissé Michèle Torr chanter Une vague bleue jusqu’au bout, voix seule et toute faible, comme une petite flamme vacillante mais têtue, sans aucun artifice, alors que lorsqu’elle chante à capella Mon Dieu, La quête ou bien La ritournelle, il y a toujours un micro d’ambiance quelque part, et quelques notes de piano… Les spectateurs dans la salle ont retenu leur souffle durant toute la chanson, pour entendre au mieux la voix pure, avec l’impression de voir un funambule sur un fil, prêt à tomber dans le vide. Mais la voix n’a pas failli, elle a continué de venir s’échouer au bord des oreilles, tout doucement, régulièrement, comme autant de vagues se succédant, couplet, refrain, couplet, refrain, jusqu’à la fin. C’est comme si on l’avait surprise, nue, dans un moment intime, avant qu’elle ne s’enfuie, comme effarouchée, quand elle a su qu’il y avait eu un problème. Quand elle est revenue, dix minutes plus tard, une fois la table de mixage remplacée, nous privant de Je te portais dans mon cœur, Le pont de Courthézon nous a paru assourdissant. Un moment émouvant).


On répond à l’appel du large, quand on a besoin d’évasion :
« Un sac marin et un blouson…
Prendre un bateau comme un aveu
Rêver en regardant la mer
Capitaine Cook bateau corsaire »,
Partir un jour, 1988
Les îles sont des destinations très appréciées :
  «Tu rêves tout éveillé
A des îles ensoleillées
Tu vois la mer qui scintille… »,
Tous les oiseaux reviennent, 1970.
On a le sentiment qu’on y trouvera la quintessence de tout ce qu’il y a sur les plages continentales, avec la foule en moins. Besoin de solitude, ou du moins d’isolement. De davantage d’intimité. Pour mieux se ressourcer. Ou mieux s’aimer.
« L’amour
Comme un voilier
Vogue toujours
Là où la mer berce les îles
Où sont cachées nos plus belles idylles
Pour nous apporter mille secrets qui font rêver… »,
Comme un voilier, 1977.

Alors que dans le port d’Amsterdam (1998) les hommes pissent sur les femmes infidèles avant de pleurer comme des enfants.
Car l’homme et la mer vont de pair. C’est par elle qu’il vient :
« Sur ton bateau tu es venu
Dans un soleil d’île lointaine
Sur le quai triste à temps perdu
Pour toi rôdaient tant de sirènes…»,
C’est joli la mer, 1987.
C’est la mer qui le fascine :
« Tu as les yeux d’un homme
Que tous les océans n’ont pas su retenir »,
A faire pleurer les femmes, 1982.
 « Le vagabond du soleil regardait les bateaux
Mais ne voyait que toi…
Il t’a promis l’océan et les roses… »,
avant de prendre le large,
Le vagabond du soleil, 1982.


 Dans Tant je t’aime on découvre au Havre la maison d’une femme dont l’homme aimé semble s’être volatilisé, à l’image de ces pêcheurs dont le retour demeure incertain. Car « c’est la mer qui prend l’homme » et Dieu seul sait s’il reviendra. Mais cette femme-là, quoi qu’elle dise au début, semble craindre ou bien savoir qu’elle ne le reverra pas. Paroles de Michèle Torr.
« J’ai cloué sur la porte
Une lampe tempête
L’océan est si bête
Qu’il te ramènera
Quand mon cœur certains soirs
Se prend pour un poète
J’ai le roulis c’est pas grave
Puisqu’il pleut sur Le Havre
Un port c’est toujours triste
Quand se lève le jour
Il n’y a plus de femme plus d’artiste
Où vont les mots d’amour…
Sur les quais métaniers
Où se dockent les souvenirs
Les marins fatigués
N’osent plus repartir… 
Tu parlais de cargos
Aux prénoms norvégiens
Moi de pays chauds
Où chantent les matins
Nous rêvions d’Amérique
D’île au trésor
Que c’est beau la Baltique
Qui épouse la Mer du Nord…
J’ai refermé la porte
De ma tour de mon phare
Je rêve que le vent me porte
Mais ce n’est qu’illusoire…»,
Tant je t’aime, 1997.
La femme amoureuse est prête à tout :
« J’irais dans les eaux profondes
Si tu me le demandais »,
Hymne à l’amour, version de Michèle Torr, 1987,
 et même à en mourir, à l’image d’une héroïne shakespearienne : Ophélie.
« Il fait si noir au fond de l’eau
Lac argenté
Je m’abandonne à tes baisers…
O ta blonde Ophélia
Dans l’onde qui se noie
Je me donne à mon roi »,
Ophélia, 1991.
Ophélie était folle comme parfois l’homme est fou :
 « …la mer en folie…
C’est toi, mon amour,
C’est toi… »,
Le jardin d’Angleterre, 1976.


De façon plus personnelle et intimiste, la chanteuse s’est servie de la mer, des océans, pour parler de son fils ou des sentiments qu’il lui a inspirés, enfant :
« Mon fils quand tu seras grand
Grand comme les buildings
Grand comme l’océan
Mon fils tu auras vingt ans…
Pourtant n’oublie jamais
L’amour est un long chemin
Long comme le désert
Bleu comme la mer… »
Mon fils, 1980.


Elle a évoqué aussi le moment de sa vie où, à sa naissance, elle s’est retrouvée fille-mère, sa conscience du temps qui passe et des moments à jamais perdus :
«  On ne voit pas passer le temps
On se retrouve en soupirant
Quelquefois mère ou femme enfant
On voudrait revenir en arrière
Revivre ces anniversaires
Les vacances au bord de la mer
Les regrets après les espoirs
S’éteignent toujours dans le noir
Sur la plage de la vérité
Comme un navire comme un noyé »
Le temps, 1984.
Superbe chanson écrite sur mesure par Rodolphe Hassold, qui était à l’époque journaliste à France Soir. C’était sur l’album Donne-moi la main, donne-moi l’amour et elle trouverait pleinement sa place dans un spectacle intimiste… Il lui a écrit une autre chanson l’année suivante :
« Comme un vieux bateau égaré
La France venait de chavirer »,
à propos de mai 68, Une femme d’autrefois, 1985. Conservatrice.
A l’idée de voir partir son fils pour son service militaire, elle s’est écriée :
« Ne me prenez pas mon fils
C’est mon ciel et c’est mon île »,
Ne me prenez pas mon fils, 1986.
Quelques années plus tard, c’est son fils qui lui a donné sa première petite-fille :
« Tu es une île un paradis… »,
Charlotte, 1999.


Elle s’est aussi servie de la mer, des océans pour parler de sa relation à son public :
« Entrer sur la scène
Et crier Je t’aime
Comme si l’on prenait le même bateau
Bateau musicien
Bateau baladin
Sur un océan couleur de bravos »,
Entrée des artistes, 1982. C’était la première de l’Olympia 82.
« Le public est un phare »,
Avant d’être chanteuse, 2011.
La première et l’avant-dernière ! de l’Olympia 2011. Magnifique.



Nous avons déjà évoqué
« Ce bateau naufragé
Prisonnier sur la mer… »,
La déchirance, 1979,
et le problème très actuel des migrants sur les mers du globe,
ainsi que celui de ces Juifs, pour la plupart rescapés de la Shoah,  qui se sont embarqués avec l’espoir de retrouver leur terre d’origine sur un bateau avant d’être ramenés en Allemagne. Quelques mois plus tard, l’état d’Israël allait être reconnu :
« Ils sont partis courir la mer…
Ils ont pleuré les larmes de la mer…
Ils sont là-bas dans un pays nouveau
Qui flotte aux mâts de leurs bateaux »,
Exodus, 1976.


Sur un autre sujet, Christiane Mouron lui a prêté ses mots pour déclamer un magnifique hymne à la vie dont la nature fait éminemment partie :
« Folle de la Terre
Des océans… »,
Et si plaisir d’amour, 1986.
 Mais l’homme abîme la nature et la pollution est un fléau par quoi les mers et les océans sont
 Les premiers souillés :
« Le ciel noir fumée d’usine
Le bleu pétrole de la mer
Sont les couleurs qui dominent
Aujourd’hui sur cette Terre… »
Pour vivre heureux, 1976.
La pollution, Michèle Torr la dénonçait déjà en 1971, au festival de la chanson de Tokyo où elle a été très remarquée :
« Si la mer devient cimetière
Pour les arbres et pour les poissons
Et si les moissons de la terre
Meurent dans les sillons
Dites-moi que sera le jour à venir
Et comment pourrez-vous grandir
Enfants d’aujourd’hui destinés à vivre
A vivre ou mourir en hommes de demain »,
Enfants d’aujourd’hui, homme de demain, 1971.
Inquiétude pour l’écologie, mais aussi quant à la survie de l’humanité. Parmi tous ces phénomènes liés à l’effet de serre, la fonte des glaces…


Dans la mer, les huîtres, et dans les huîtres…la perle.
La chanson date de 1995 et c’est encore d’amour qu’elle parle. Encore une fois de la femme quelque peu délaissée par son homme, comme dans Emmène-moi danser ce soir et dans tant d’autres. Mais ici, le principal grief, ce n’est pas « ton fauteuil, ton journal, tes cigarettes et la télé », c’est… le plaisir charnel. Car à trop avoir été négligée, madame finit par se sentir aussi froide… que la banquise,  mais, dès lors que monsieur l’emmène danser, ou sait se servir avec précision de ses lèvres, c’est en râle amoureux que se transforme son chant. Et la femme frigide se métamorphose, au contact de ces lèvres expertes, en femme-fontaine. Après cela, elle se dit prête à tout… Mais à quoi ? Chhhhuuuut !
« J’attendais que tu m’y emmènes
Pour un jour moi aussi aller
Là où fond la banquise
Tout contre toi
Des sensations exquises
A chaque fois
Et je jure que je t’aime
Oui je jure que je t’aime…
Si nous dansons seuls tous les deux
Perdus dans la foule
Quand tes bras m’enserrent de leur mieux
Sens-tu de mon ventre la houle ?
Car pour l’amour l’un de l’autre
Rien ne nous effraie
Et lors des nuits comme les nôtres
Il n’est rien que je ne ferais
Là où fond la banquise
Et je me noie
Des sensations exquises
A chaque fois
Tes lèvres se font précises
J’entends la musique
Alors là où fond la banquise
Tu me fais rêver
Et je jure que je t’aime… »,
Là où fond la banquise, 1995.
Tombée en pâmoison, elle  se dit aux septièmes cieux et nous jure tout ce qu’on veut. Et l’on se sent magicien !

Et l’on se sent magicien, encore, avec pour seule baguette magique, après ses lèvres et ses bras, …ses doigts, quand Charles Aznavour fait dire à la Diva:
 « C’est l’écume des mers
Qui se meurt sur tes doigts 
Quand tu m’aimes»,
Quand tu m’aimes, 2014.
Il peut en effet avoir l’œil qui frise, Charles, après lui avoir fait chanter cela!


Espérons que cette petite chronique estivale  vous aura plaisamment accompagnés au long de ces jours où vous aurez pu profiter de la mer, des océans, des îles et des plages… et de l’amour. Et que vous vous serez fait de :
« …délectables
Souvenirs de sable »,
non sans écouter un chant de sirène.
 « Dans l’intimité
C’est l’amour en liberté… »,
Pendant l’été, 1980.

Fin.


©ED & GD.

samedi 11 juillet 2015

mardi 7 juillet 2015

Michèle Torr chante la tendresse.

Amour toujours
Tendresse encore…

« J’ai chanté la tendresse », nous dit Michèle Torr dans la chanson qui introduit son album Diva, Je ne veux chanter que l’amour. Et c’est vrai que le mot tendresse est intimement lié à son répertoire dont l’un des titres phares, un de ses plus grands succès, reste J’en appelle à la tendresse. Mais chanter l’amour et chanter  la tendresse, n’est-ce pas un peu la même chose? Car l’amour, c’est le manque de l’autre, qui nous laisse vulnérables et expose au grand jour ce qu’on a de plus tendre…


Alors forcément, la tendresse, elle l’a chantée en même temps que l’amour, dès l’aube de sa carrière.
 Quand elle a emprunté aux Beatles la mélodie de leur And I lover her :
« Il garde pour moi dans son cœur
Tant de tendresse
Pour mille années de bonheur
Et de caresses »,
Et je l’aime.
Quand une jeune fille tombe éperdument amoureuse:
« Tendrement tendrement
Il m’avait embrassée
Et le temps et le temps
Trop vite a passé »,
Doucement simplement tendrement,
…de celui qui ne va pas tarder à l’abandonner, la laissant meurtrie mais nourrie de l’espoir que l’amour lui reviendra pour durer toujours.


La tendresse imprègne aussi le premier 45 tours de Michèle Torr chez AZ en 1973 :
« Mais dans la rue il n’y a plus de bancs
Où tous les amoureux s’embrassaient tendrement »,
Les amoureux.
Ainsi que deux autres chansons du premier 33 tours qui sortira, toujours chez AZ,  en 1974: Un disque d’amour…
Tendresse de l’enfance:
« C’est la voix d’un enfant
Qui croyait en Noël
Qui rêvait tendrement
Que la vie était belle »,
La voix d’un enfant.
Et tendresse inspirée, à l’inverse, par un vieux clown à un animal, symbole de la fidélité :
« Et puis son chien regarde avec tendresse
Celui qu’il aime et qui a bien changé
L’artiste est là mais ce n’est plus le même
Le geste lourd il ne sait plus danser »,
La ritournelle.


De sorte que Michèle Torr deviendra pour beaucoup, et de façon assez réductrice, une interprète aux « chansons rose bonbon » :
Quand, dans l’album Lui, elle évoque les moments privilégiés d’un couple heureux :
« Dehors il neige ou bien il pleut
Je voudrais te faire un aveu
Je t’aime tendrement »,
Je t’aime tendrement.
Quand dans l’album A mon père – Adieu, elle dresse le portrait d’une serveuse de café de gare à qui la vie n’a pas souri.
« Elle lisait tout haut
Des romans-photos
Mettait sa tendresse
Dans un express »,
La demoiselle.
Ou quand elle clame la détresse d’une amante esseulée :
« …Je t’ai perdu
Moitié tendresse
Moitié tourment
Ni chevalier
Ni cheval blanc »
La princesse aux pieds nus.
Ou encore quand elle raconte ce qu’on appelle communément le plus beau jour d’une vie :
« Ils s’étaient rencontrés
Au feu de la Saint-Jean
Ils se sont aimés tendrement »,
Mariage.
Quand, dans 20 ans d’amour, Je t’aime encore, Aventurier, elle fait un étrange rêve éveillé –un cauchemar !- au cours duquel elle évoque  ses adieux à la chanson :
« Signe particulier tendresse
J’ai tout donné à mes amours… »,
Chanson d’adieu.
De la tendresse il est encore question dans les albums Qui :
« Qui m’inventera des romans de tendresse ? »,
Qui.
« La nuit a volé
Mes tendres secrets
Mes sourires fragiles
Mon jardin mon île… »,
Le ciel s’en va.
Et dans Je t’avais rapporté :
« Je suis love love love
Tendrement »,
dès que les conditions s’y prêtent;
Je suis love.
« Dans ton cœur orgueilleux je serai là
En tendresse provisoire là où tu vas… »,
Puisque c’est un adieu.


Il arriva parfois à Michèle Torr d’emprunter aux autres leurs mots tendres.
A Lucienne Boyer.
« Parlez-moi d’amour
Redites-moi des choses tendres
Votre beau discours
Mon cœur n’est pas las de l’entendre…  »,
Parlez-moi d’amour.
A Berthe Silva.
« La câlinant bien tendrement
Il disait en les lui donnant
C’est aujourd’hui dimanche
Tiens ma jolie maman
Voici des roses blanches
Toi qui les aimes tant… »,
Les roses blanches.
A Charles Trenet.
 « Les mots les mots tendres qu’on murmure
Les caresses les plus pures
Les serments au fond des bois
Les fleurs qu’on retrouve dans un livre
Dont le parfum vous enivre
Se sont envolés pourquoi ? »
Que reste-t-il de nos amours ?
« Douce France
Cher pays de mon enfance
Bercée de tendre insouciance
Je t’ai gardée dans mon cœur… »,
Douce France.
A Barbara.
« Que ce fut j’étais précoce
De tendres amours de gosse
Ou les blessures d’un amour fou
Du plus loin qu’il m’en souvienne
Si depuis j’ai dit je t’aime… »
Ma plus belle histoire  d’amour c’est vous.
A Piaf.
« T’es toute la tendresse.
T'es toutes les caresses.
T'es tous les "je t'aime'".
C'est inouï, quand même.
T'en fais jamais trop.
T'es l'homme, t'es l'homme, t'es l'homme… »
T'es l'homme qu'il me faut.

Quand le rose vire au bleu, la tendresse se mêle volontiers aux accords du blues :
 « J’allais là-bas dans la belle maison du blues
Avant les tendres tendres tendres nuits avec toi
Je refermais la porte, j’amadouais mon chagrin
Jusqu’à ce que le soleil m’apporte un nouveau matin »,
Dans la maison du blues.
Et même, à l’instar du King (Love me tender), aux accords du rock :
 « L’homme fatal
Idéal
Tendre et fort… »,
L’homme en or.
A ceux de la musique country :
 « Pose ta joue
Là sur l’oreiller
Glisse ton chaud et tendre corps sur le mien… »,
A nos beaux jours.
Et à ceux d’Elvis Presley:
 « Tendres mots faits et gestes petits riens
J’en ai laissé passé l’heure
Mais je te portais dans mon cœur … »,
Je te portais dans mon cœur. (Adaptation de Always in my mind).


Mais, quels que soient les rythmes choisis, Michèle Torr a su rester fidèle à sa carte de Tendre (« Comme l’eau de la rivière s’en va toujours vers la mer, vers l’océan de l’amour… »), en chantant l’amour et la tendresse dans l’album Donner en 2002:
 « Quand on est seul avec la nuit
Entre tendresse et nostalgie
On se regarde et on se dit
Qu’est-ce que j’ai fait avec ma vie ? »,
J’ai donné.
« Je pourrais anéantir
Chacune de nos promesses
Ne garder que le pire
De toutes nos tendresses
De cet amour si fort
Qu’il me semblait plus fort
Que la vie que la mort
Et au-delà encore »,
Je n’ai pas fini de t’aimer.
Elle l’a chantée ensuite sur un air un peu jazzy, avec les mots d’Henri Salvador :
« Qu’il revienne me chercher
Cet homme couleur tendresse »,
Couleur tendresse.
 Et sur un air un peu gipsy à l’Olympia en 2005 ainsi que sur La louve :
« Je n’ai jamais douté de ta couleur tendresse
Ne reste pas tout seul sur le quai des promesses »,
Côté soleil (La couleur des mots).
Puis elle l’a chantée avec une certaine nostalgie en repensant à  Ces années-là, en 2008 :
« On ne se parle plus
On se regarde à peine
La tendresse des rues
Traîne sur MSN »,
Si on se voyait ce soir.


Mais la tendresse se mue parfois en animal sauvage, quand l’amour fait place à la haine: « Notre ciel n’est plus que nuage
La tendresse redevient sauvage… »,
L’Italie.
Parfois elle suscite la jalousie :
« La tendresse qu’elle te donne
Ressemble à un défi… »,
Et toute la ville en parle.

La tendresse, c’est aussi celle qui relie l’artiste à son public :
« 20 ans d’amitié de tendresse
De désespoir aussi
Feux de joie fusées de détresse
Qui éclairent ma vie… »,
20 ans d’amour ;
qui relie chacun de nous au pays qui l’a vu naître :
«Je me suis échappée mais je reviens vers toi
Pour t’aimer de tendresse
Te consacrer ma vie
Attends-moi sur le quai
Et prends-moi dans tes bras… »,
Amour de ma jeunesse (car c’est de la Provence qu’elle parle là) ;
les mamans à leurs enfants :
« Tu es lumière
Tu es mistral
Mais aussi caresse tendresse… »,
Les mots pour te dire (signée Michèle torr, en hommage à sa mère),
« Parce qu’ils (les enfants) viennent quelquefois
Vous parler tendrement … »,
Merci pour les mamans,
ou les grands-mères à leurs petits-enfants :
« Tu es comme une source
Où je puisse un peu chaque jour
Toute la tendresse et l’amour
Qu’il me faut pour monter sur scène »,
Charlotte (signée Michèle Torr, en hommage à sa première petite-fille).


 La Diva exprime également sa tendresse au cœur même des émois de l’amour physique, avec les mots de Charles Aznavour :
« C’est ta voix qui se perd dans un râle amoureux
Qui fait vibrer ma chair et qui mouille mes yeux
De larmes de tendresse
Quand tu m’aimes »,
Quand tu m’aimes.


Au XVIII° siècle, Montesquieu réclamait une convention « en faveur de la miséricorde et de la pitié ».
Comme Piaf a eu son Hymne à l’amour, Michèle Torr a eu son « hymne à la tendresse » :
« J’en appelle à la tendresse
A l’amour s’il nous en reste
J’en appelle à tous les hommes
Que leur volonté soit bonne »,
J’en appelle à la tendresse.
Peu importent les règles de la rime.



C’était en 1981, avec pour visuel une photo de la chanteuse bébé dans les bras de sa mère disparue en 1965 dans un accident de voiture pour le 45 tours, et, pour le 33 tours, la photo d’une chanteuse de blanc vêtue,  prise en Camargue dans la douceur d’une lumière vespérale, en compagnie de chevaux blancs…  



Une chanson écrite par Jean Albertini et Didier Barbelivien au lendemain de l’attentat antisémite de la rue Copernic, qui a encore provoqué une ovation longue et appuyée le 11 janvier 2015 à l’Olympia, alors qu’un autre attentat venait d’être perpétré contre Charlie Hebdo le 7 janvier, et que se déroulait simultanément une manifestation de grande envergure dans les rues de Paris, entre République et Nation.
« …devant les synagogues, devant les mosquées, devant les cathédrales…,» a-t-elle dit pour introduire la chanson.
On se dit qu’un tout petit changement dans les paroles, pour clarifier encore le message, serait bienvenu :
« Devant les synagogues, mosquées et cathédrales,
Il n’y a qu’un bon dieu mais toujours plusieurs diables… »
Un hymne « contre personne et contre rien » (Barbara, Perlimpimpin), mais pour « l’amour des autres, le plus grand, je  crois,
Celui qui donne celui qui reçoit… ».

Encore de la tendresse
Et toujours de l’amour…


©ED & GD.


Michèle Torr & Compagnie
 J’en appelle à la tendresse
 Samedi 26 septembre 2015 - 20h30
Chanteuse à la voix d’or, Michèle Torr fête cette année ses 50 ans de carrière. « Chanter c’est prier », nous dit-elle. C’est aussi sa vie, sa passion. Et son autre passion : ses enfants. Hélas son fils Romain Vidal a, depuis quelques années, la sclérose en plaque. Sans céder au désespoir, courageusement, ils ont créé l’association « Sclérose en plaques en pays d’Aix » et ils se battent contre cette maladie avec le professeur Pelletier, de la Timone. Afin de les aider dans cette entreprise, et récolter le plus d’argent possible pour pouvoir poursuivre les recherches sur l’IRM sodium, nous avons décidé, avec le Rotary club de la Seyne Cap Sicié, d’organiser une belle fête autour d’eux. En première partie, des artistes de la région viendront rendre hommage à Michèle en chantant ses chansons. En seconde partie, Michèle nous offrira quelques chansons. Une belle soirée en perspective sous le signe de la chanson et de l’amitié. Soirée organisée par le Rotary Club de la Seyne Cap Sicié et proposée par Henri Gabrièle, past président et Jacques Brachet

Extrait de la programmation de la saison 2015/2016 du théâtre Galli à Sanary.