Elle est là. Depuis si longtemps déjà. Dans ma vie. Ni plus
ni moins que le soleil ou la pluie, que le jour ou la nuit. Depuis une date qui
n’a d’importance que pour l’enfant qui la vit ce jour-là. Ce fut une rencontre
télévisuelle. A sens unique. En marge du réel, du côté du rêve. Mais le rêve
fait partie de la vie. C’était le premier mai 1977.
Pourquoi ? Sa voix peut-être. Le charisme qui émanait d’elle, le
charme qu’elle exerce encore. Toujours. La lumière de son sourire qui
l’emportait sur la dureté que son regard a parfois. Pourquoi ? Ses
chansons peut-être. Surtout les chansons d’amour très tristes entendues
ensuite. A tes genoux, comme une mélodie d’automne, je n’oublierai jamais, au
nord de la ville… et plus tard adieu, le ciel s’en va, ne m’oublie pas… de purs
sanglots. Pas bien dans sa vie.
Et ma
première chanson, premier amour sacrifié sur l’autel de la chanson, il paraît
que c’est vrai, cela, qu’il s’appelait comme elle, qu’il n’est plus
aujourd’hui…C’est celle-là qu’elle a chantée en premier pour son premier
Olympia en vedette chaque soir, tandis qu’un enfant devenant adolescent
s’inquiétait de ce que peut-être la salle n’était pas pleine, alors que ce fut
chaque soir un mois durant un triomphe. Une consécration. Celle-là qu’elle a
chantée ensuite lors de tous les galas de la tournée qui a suivi. Première chanson, première rencontre
réelle : dernières places disponibles derrière la scène. Une frêle dame
blonde montant un escalier, appuyée au bras d’un homme, son mari, son Pygmalion,
avant d’entrer dans l’arène. Soustons, le samedi 11 août 1980. Mon cœur battait
la chamade, du tour de chant qui a suivi je ne me rappelle pas grand-chose. Une
flamme dans la nuit, lointaine. Je ne connaîtrais que bien plus tard
l’existence de celui qui était assis au pied d’une talanquère…
Un refuge.
Oui, un refuge. Un lieu commun autant qu’un jardin secret. Dans lequel je me
suis si longtemps senti seul. Infiniment seul…Entouré mais si seul…
Elle est là,
depuis plus de trente ans, presque quarante. Il n’est pas un jour sans qu’elle
ait pu cueillir au moins une pensée, un souci, pour elle, si cela avait été
possible.
On a beau
chercher, il y a des choses qui ne s’expliquent pas. Les possibles réponses
criaillent comme des oiseaux fous sans rien dire vraiment. Elle était là, si
tôt dans ma vie, déjà dans l’enfance, avant tout ce qui a suivi, l’adolescence,
les âges d’homme, jusqu’à aujourd’hui.
Après
l’avoir un peu écartée, un peu négligée, mais jamais perdue de vue, jamais
oubliée, il y a eu un rendez-vous secret, en 1997, nos vingt ans, à elle et
moi. Un spectacle dans un village de Charente, dix ans après le précédent. Là
j’ai bien entendu, elle valait bien plus qu’une larme. Que toutes les larmes
versées. Et l’amour n’est pas que bleu, que blues. Et bientôt quand elle a eu
le sentiment d’être une femme seule, bien qu’encore entourée de tant de
sourires et de visages, comme des forêts devant elle, il y a eu la promesse
secrète que tant qu’elle continuerait d’avancer sur les routes de la chanson,
je serais là, d’une façon ou d’une autre.
Mais un jour
on finit par se dire que, malgré la volonté d’être discret, malgré la
conscience de ce que cela ne peut mener à rien, il est important que la
chanteuse accepte d’entendre en quelques mots, de lire en quelques lignes,
l’expression de ces sentiments étranges dont toute sa carrière elle s’est
nourrie, elle s’est gorgée. Au risque d’être meurtri si n’était pas agréée
l’expression de cette admiration, lue aussi parfois dans les regards croisés,
poignants, avant ou après un spectacle, de ceux ou celles qui attendent, et
dont l’admiration pour la chanteuse ne cherche aussi qu’à se dire, qu’à se
donner en partage.
C’est un
message de plus, dans une bouteille à la mer. Qui sait s’il sera lu un
jour ? Par qui ? Par elle ? Peut-être…Pour quoi? Pour
rien ? Il doit y avoir un sens à tout cela. Peut-être…L’Admirateur existe
aussi pour le chercher.
Gérard D
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