jeudi 12 novembre 2015

Michèle Torr, Chanter c'est prier, l'album.

C'était il y a... trois ans.


L’album Chanter c’est prier a été annoncé en début d’année 2012. A l’heure où les albums sont souvent conceptuels, l’idée des chansons spirituelles était manifestement excellente. Personne n’est allé reprocher à Michèle Torr un manque de sincérité : elle a toujours parlé de sa foi, de son intérêt pour l’histoire des religions, chanté Mon Ange de Bruno Coquatrix, l’ Ave Maria de Charles Gounod, un magnifique Dis-moi mon Dieu  en 1977, sur l’enfance malheureuse, sur une musique de Schubert, le Notre Père mis en musique par Didier Barbelivien, avec Claude Barzotti, en 2011, s’est fait photographier le jour de la communion de son fils Romain avec lui…Ecoutez encore J’en appelle à la tendresse… « Devant les synagogues, devant les cathédrales
Il n’y a qu’un bon Dieu mais toujours plusieurs diables… »
Légitime est sa démarche, même s’il y a eu entre temps le succès des Prêtres. Plus originale, sincère, personnelle, qu’un album de chansons de Noël tel que lui en avait réclamé sa maison de disques.
      Mais on pouvait craindre que, ayant eu cette idée d’un album de chansons spirituelles, comme le concept pouvait être un peu austère, voire risqué, il ne soit pas mené jusqu’au bout.
      On pouvait craindre ensuite que le résultat ne soit justement trop austère, ou bien que l’album ne soit qu’un catalogue de chansons hétéroclites, ou qu’il ne déroute le public de la chanteuse…
      Et on a toujours envie de chansons originales mais on sait bien que les auteurs, surtout sur ce sujet-là, risquaient de ne pas répondre à une demande de Michèle Torr. Cela faisait longtemps qu’elle réclamait un hymne à l'amour  à Aznavour, longtemps qu’elle avait demandé à Jean-Jacques Goldmann d’écrire pour elle … en vain. Alors l’idée de reprendre leurs chansons, ainsi que du Cabrel, du Obispo (L’envie d’aimer) a été à la fois un moyen de leur montrer que sa voix est l’une des meilleures pour porter leurs mots et leurs notes ; et peut-être de les convaincre qu’ils peuvent aussi écrire pour elle. En même temps, -alors qu’on pouvait craindre que ce ne soit qu’un album de reprises de plus, après les sept de Ces années-là en 2008, après Michèle Torr chante Piaf en 2003, après A nos beaux jours en 1995- cela a permis à Michèle Torr de rester ce qu’elle est : une fabuleuse chanteuse… de variétés. Sans se renier.
Au moment où l’unité conceptuelle ne doit quand même pas faire oublier la diversité musicale, l’autre bonne idée fut celle des adaptations : Gracias a la vida  vient d’Amérique du Sud, Amazing grace  d’Angleterre,   Didn’t it rain  d’Amérique du Nord…un peu de jazz, un peu de gospel… La Coupo santo en provençal vient apporter une touche folklorique. Et l’ensemble est introduit par une chanson originale: Chanter c’est prier, qui annonce l’essentiel : Michèle Torr ne renie pas ce qu’elle est : une très grande voix, qui a forcé sa  rencontre avec de grandes chansons ayant en commun la foi : en un Dieu, en son étoile, en son public, en la fortune qui lui permet de faire cette longue et belle carrière. La voix est belle, chaude, toute en nuances, et rappelle les intonations déjà entendues sur l’album Seule, une des plus belles réussites de Michèle Torr sur le plan vocal.
       A la première écoute, cet album est une surprise (comme cela fait du bien d’être encore surpris après tous ces disques enregistrés !) ; surprise car Michèle Torr a osé aller jusqu’au bout de son idée ; surprise car avant tout, loin d’être austère, le CD est aussi festif, joyeux que plein de ferveur ; surprise car on a l’impression d’entrer au plus intime de la femme ; et la voix y est belle comme jamais, on y retrouve des tons, des couleurs, qui rappellent des chansons de toutes les époques de la carrière de la chanteuse.
      Comment ne pas se rappeler la voix de Michèle Torr enfin révélée sur les superbes chansons de Tous les oiseaux reviennent  en 1970, inflexions profondes et magnifiques sur Pour quelques roses, J’ai pleuré de joie ...
… se rappeler la joie de ces mêmes années exprimée dans Bye bye l’amour  (avec l’Alliance), Alors on marche et le déjà religieux Ca pourrait être vrai, qu’on retrouve dans Chante et Fais-moi un signe, qui rappelle aussi Histoire de la musique populaire en 1979…
…se rappeler l’émotion distillée par les vocalises de Ma mère a pleuré sur un air d’Iménée, et qu’on retrouve sur Ave Maria, Quand vint la grâce ou Toi qui m’as tant donné
…Et comment ne pas penser à Maman, de Salvatore Adamo, chanté avec Emilie Vidal en 1984 sur l’album Adieu, quand on entend Nina, sa petite-fille, chanter avec elle Il faudra leur dire …
…Comment ne pas être ému d’entendre étinceler cette voix sur les musiques de Didier Barbelivien avec Je crois en toi et le Notre Père, car cet auteur-compositeur-là a si bien servi Michèle, de J’aime en 1977 à Avant d’être chanteuse  en 2011.
      Mention spéciale aussi pour l’élocution : on comprend enfin les paroles de La mémoire d’Abraham (ce qui n’est pas toujours le cas dans la version de Céline Dion).
      Bravo enfin à David Lelait qui a su adapter Didn’t it rain (une performance : comme les mots et les notes jouent sur cette chanson, qu’on imagine ravageuse sur scène !), Gracias a la vida  qui résume presque à elle seule le très bel album  A mi-vie, et Amazing grace, très lumineux.
C’est bien un album touchant et personnel qu’on écoute, où s’expriment tant les convictions que les doutes intimes, avec la volonté déjà affirmée de dépasser les clivages des religions pour atteindre une certaine universalité, tout en restant profondément catholique, ainsi que les sentiments d’une femme, dans toute la diversité de leur palette. Et il s’en dégage une vraie spiritualité.
      Si les chansons sont diverses par leur provenance, leurs auteurs et compositeurs, par leur musicalité (on y entend en chœur des négro-spirituals, de la musique hippie, et même des accents grégoriens), elles parlent cependant toutes de la femme à qui appartient la voix qui les porte.
       Et cet album souvent très émouvant, fervent, est bien une fête, grâce à la diversité des rythmes, grâce aux beaux arrangements, très modernes, de Patrick Liotard, et grâce aux chœurs souvent présents qui servent d’écrin à la voix de la chanteuse.
       Alors Chanter c’est prier est bel et bien  un album magnifique, un bijou, un trésor, l’une des plus belles pépites dans la discographie de Michèle Torr auquel les médias, la télévision, la presse, la radio, n’ont pas réservé le bel accueil qu’il méritait.
Espérons que la tournée des églises Chanter c’est prier   sera pour tous l’occasion de découvrir ou de redécouvrir l’album du même nom.    

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