« Elle est née chanteuse » a dit d’elle Maurice
Chevalier.
Mais elle a eu aussi la tentation d’aborder le métier
d’actrice, nous en avons parlé dans la chronique Michèle
Torr fait son cinéma, avec en conclusion :
Avant d’être actrice, Michèle Torr n’est pas n’importe quoi,
Elle est chanteuse,
« Elle est née chanteuse » (Maurice Chevalier)
Chanteuse.
« A la voix
d’or… »…
Car nous laissions de
côté un aspect du métier d’acteur auquel a aussi touché Michèle : actrice
de roman-photo. En 1971 Nous Deux a publié Cendrillon à la voix d’or, dont elle
était la vedette, dans 25 numéros consécutifs, à raison de trois pages chaque
semaine. Voici un résumé de l’histoire.
Un soir sur les bords de la Seine, une jeune femme
manifestement désespérée s’apprête à se jeter dans le fleuve.
Il s’agit de Cendrine Mercier, une orpheline, originaire de
province. A sa majorité elle a quitté l’orphelinat dans lequel elle a passé sa
jeunesse pour devenir indépendante. Ce dont elle souffre surtout, c’est de la
solitude : elle n’a pas de famille, pas d’amis, et une seule
passion : la chanson, sorte de refuge qui lui a permis de supporter son
enfance et son adolescence difficiles. Avec son maigre salaire de couturière,
elle parvient tout juste à se loger et à se payer quelques cours de chant
auprès d’un vieux professeur qui décèle en elle un talent plus que prometteur.
Il l’encourage à partir pour Paris. Entre
temps, elle a fait la connaissance de Michel
Vattier, son voisin de palier, avec qui elle partage chaque soir un
repas qui leur permet à tous deux de rompre leur solitude. Il l’aime et tente
de la retenir mais elle ne partage pas ses sentiments, et c’est sans beaucoup
de regrets qu’elle quitte sa petite ville de province pour la capitale.
Armée de la seule lettre de recommandation de son ancien
professeur de chant, Cendrine se rend chez un autre professeur, prestigieux
celui-là, Franck Nodier, qui l’éconduit assez brutalement. Cendrine, humiliée, doit également trouver un
emploi pour parvenir à se nourrir et à se loger. C’est dans une librairie
qu’elle décroche un travail mais, lorsque son patron lui fait des avances
insistantes et que sa femme les surprend, le couple s’accorde pour dire que
c’est Cendrine la responsable, et il renvoie la jeune femme. C’est à ce moment
que Cendrine envisage de se jeter dans la Seine.
Mais un passant la retient au moment où elle est sur le
point d’accomplir son geste. Il la raccompagne chez elle, où elle lui confie la
cause de son désespoir : son rêve impossible de devenir chanteuse. Il la laisse s’endormir, épuisée, avant de
s’esquiver.
Le lendemain, à son réveil, la jeune femme trouve à son
chevet une lettre dans laquelle
l’inconnu lui prodigue une série de conseils pour parvenir à réaliser son rêve.
Elle doit d’abord trouver un nouvel emploi, dans un restaurant cette fois, où la tâche se révèle épuisante. Malgré cela,
motivée par les conseils prodigués par celui qu’elle considère déjà comme son
ange gardien, elle commence à participer à des concours d’amateurs tout en
continuant de prendre les cours de chant qu’elle peut désormais se payer. Elle
participe enfin à une audition pour un rôle dans une comédie musicale.
L’impresario Georges Durel, celui d’une célèbre chanteuse, Nadia Nadège, dont
il est aussi l’amant, la remarque et lui
propose de faire d’elle une vedette en échange d’une relation dans laquelle
Cendrine refuse de s’engager. Georges Durel la renvoie rudement.
Alors Cendrine, ayant toujours sur elle la lettre du
mystérieux inconnu du bord de la Seine, courageusement continue de travailler
et de chanter à chaque fois que cela est possible.
Mais un jour, la chanteuse Nadia Nadège apprend de son
médecin qu’une maladie des cordes vocales la condamne à ne plus chanter pour
une durée indéterminée. Alors Georges Durel songe à Cendrine et une idée
machiavélique naît dans son esprit.
Quelques jours plus tard Cendrine reçoit une lettre :
Georges Durel lui donne rendez-vous dans une maison de disques où elle se rend,
et où elle fait des essais concluants : Georges feint de vouloir la
préparer pour enregistrer un disque alors que son intention est de « voler »
sa voix pour « remplacer » celle de Nadia Nadège, dont le timbre est
tout proche, sur de prochains disques.
Cendrine devient donc à son insu la prisonnière de Georges
Durel, dont les sentiments pour la jeune fille sont de plus en plus vifs, et de
Nadia Nadège, chez qui elle doit s’installer, en Sologne, pour rester à l’abri
des regards afin de ménager un effet publicitaire, selon les dires de l’imprésario
sans scrupules. Mais la jeune fille commence à avoir des doutes sur les
intentions de ses prétendus bienfaiteurs. C’est dans ces conditions, croyant
faire seulement des essais, que Cendrine enregistre un disque qui sort bientôt sous
le nom de Nadia Nadège. Il obtient un immense succès. Pour fêter ce triomphe,
Georges, qui commence à éprouver quelques remords, et Nadia organisent une
réception après avoir demandé à Cendrine
de rester dans ses appartements. Sylvain Nérac, un fameux critique musical, y
est convié. Cendrine, alors qu’elle regarde par sa fenêtre, reconnaît en lui
son sauveur des quais de la Seine, et leurs regards se croisent. L’ayant
reconnue, il pénètre dans la maison, trouve le lieu où se cache Cendrine et,
après un bref dialogue, ils comprennent que quelque chose de douteux se trame
et Sylvain donne rendez-vous à la jeune fille le lendemain. Quand le
journaliste retrouve Cendrine au moment prévu, en bordure de propriété, il révèle
la vérité qu’il a découverte et tous deux quittent furtivement la propriété de
Nadia Nadège.
Désormais, c’est Sylvain Nérac qui s’occupe de Cendrine
Mercier : il lui procure un logement, un emploi de mannequin, lui permet
de reprendre des cours de chant, lui trouve des chansons ainsi qu’un engagement
pour passer en vedette américaine dans un célèbre music-hall. Mais le jour de
la première, toujours sous l’emprise de Nadia Nadège, Georges Durel parvient à
faire instiller de la drogue dans une
boisson destinée à Cendrine et, au moment où elle entre en scène, elle titube,
balbutie, et c’est sous les huées qu’elle doit regagner sa loge. Nadia Nadège
croit la carrière de Cendrine finie.
Cendrine quant à elle s’apprête, la mort dans l’âme, à
repartir en province quand Georges Durel, poussé par la culpabilité, vient lui
proposer de tout révéler du complot que lui-même et Nadia ont ourdi. Cendrine
accepte et, après l’émission de télévision qui la disculpe de toute
consommation de drogue ou d’alcool, elle reçoit même les excuses de Nadia Nadège
dont la souffrance la touche et à qui elle accorde son pardon. Après cela,
Sylvain Nérac peut enfin s’occuper vraiment de la carrière de Cendrine qui la
mène très vite au succès: disques, scène… et à l’amour puisque les deux jeunes
gens s’avouent leurs sentiments mutuels…C’est pour Cendrine la gloire et bel et
bien l’amour…
D’après le roman-photos de Floriane Prévot, paru dans les
numéros 1235 à 1260 du magazine Nous Deux en 1971.
De la fiction... |
A la lecture de ce roman-photos, on peut se demander
pourquoi Michèle Torr a accepté de prêter son visage à l’héroïne Cendrine
Mercier.
« Plus personne ne s’intéressait à moi, nous
raconte-t-elle. C’était le trou noir. Non seulement je n’avais plus de succès,
mais j’avais l’horrible impression d’être le jouet des hommes d’affaires, sans
pour autant obtenir de résultats concrets. Je me disais que je n’arriverais
jamais à m’en sortir toute seule. Car, si ce métier est déjà dur pour les
hommes, il est encore plus difficile pour une femme seule …
Et puis Jean est arrivé…"
Mais qui parle ? Est-ce Cendrine Mercier ? Non,
Michèle Torr, à Gérard Gilbert de France Dimanche, en 1987, pour évoquer les
années qui ont précédé sa rencontre avec Jean Vidal…
...à la réalité; de la réalité... Olympia 70 |
Alors, pourquoi ?
D’abord, à cette époque, les romans-photos étaient à la mode
et toutes les chanteuses, mais aussi bon nombre de chanteurs, en devenaient les
héros.
Ensuite, alors que de nombreux acteurs ont eu envie de
chanter et que beaucoup ont même franchi le pas, les chanteurs se sont aussi
parfois tournés vers la comédie et Michèle Torr, que les Japonais comparaient à
Catherine Deneuve, a été elle aussi tentée par le métier d’actrice : elle
l’avait montré en jouant dans Le Diable aime les bijoux, et même si un
roman-photos n’est pas un film, y participer relève d’un vrai travail d’acteur.
Le nom de l’héroïne est amusant : Cendrine Mercier,
Michèle Torr, Michèle Mercier, Cendrillon…sont des noms qui se font écho.
Evidemment, le sujet de ce roman ne pouvait que la
toucher : cette jeune fille vivant avec l’envie de chanter chevillée au
corps lui ressemble beaucoup.
Après, au fil de l’histoire, on peut voir aussi des
ressemblances avec sa biographie : Cendrine, orpheline, a pu lui faire
penser à son père, élevé par l’Assistance publique.
Michel Vattier n’est-il pas le Michel dont parle la
chanteuse dans Ma première chanson ?...
C’est dans une chambre de bonne que Michèle Torr, sa mère et
sa sœur Brigitte s’installent à Paris, rue Bergère, en attendant les premiers
cachets. Une existence modeste, comme celle de Cendrine Mercier.
...à la fiction. |
C’est en participant à de nombreux concours d’amateurs que
Cendrine Mercier apprend son métier de chanteuse, comme l’avait fait Michèle
Torr, en Provence, dès son enfance.
C’est en perdant un peu de son âme qu’elle fait ses premiers
pas dans le métier : les cours de chant qu’elle suit transforment peu à
peu sa voix, à son insu, afin qu’elle devienne la doublure vocale d’une autre
chanteuse ; de même Michèle Torr a reconnu que sa maison de disques lui
faisait chanter des chansons qui ne lui convenaient pas dans un registre vocal
qui n’était pas le sien. Faire ses premiers pas dans un tel métier, n’est-ce
pas forcément se trahir un peu ?
Et la solitude, le désespoir de Cendrine ont pu lui rappeler
des moments difficiles de son passé encore tout proche.
C’est en tant que vedette américaine dans un music-hall que
Cendrine fait ses débuts sur une scène parisienne, et Michèle Torr a été
successivement vedette américaine des spectacles de Claude François en 1964
puis Enrico Macias en 1970 sur la scène de l’Olympia. On dirait même que
Cendrine Mercier porte la même robe que Michèle Torr.
Michèle Torr a aussi connu les problèmes liés aux
impresarios dont on est forcément tributaire lorsqu’on est chanteur (ainsi, Johnny
Starck, avec qui on refuse de signer, et qui ensuite, alors qu’il est devenu
l’impresario de Mireille Mathieu, essaiera de faire en sorte les deux
« rivales » ne soient jamais dans la même émission de télévision.
Mais cela n’est probablement que la partie visible de l’iceberg…) Ensuite, elle
a rencontré en Jean Vidal celui qui deviendra son ange gardien, son mari et son
manager, comme si l’amour était la garantie que l’on peut faire confiance à celui
qui gère la carrière de l’artiste. Après lui avoir écrit les paroles de
quelques chansons (Les papillons, J’ai arrêté le temps, Le jardin
d’Angleterre…) c’est lui qui va créer autour d’elle une équipe qui, à partir de
1973, va enfin la mener sur la voie du grand succès. Comme Cendrine Mercier,
Michèle Torr n’a pas choisi la gloire ou bien l’amour, mais la gloire et bel et
bien l’amour…
Et, clin d’œil au nouvel album de chansons d’amour inédites
que Michèle Torr vient d’enregistrer, on retrouve en couverture de l’un des
numéros dans lesquels a été publié le feuilleton Cendrillon à la voix d’or
un auteur-compositeur-interprète qui figure dans la liste des auteurs
annoncés :
…vous aurez peut-être reconnu Georges Chelon, un gage de
qualité d’écriture dont on se réjouit déjà.
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