Au Trianon, dans son spectacle Intimiste du 18 octobre
2015, Michèle Torr a mis à son répertoire trois reprises inédites.
La première, ce fut Je suis seule ce soir, de Léo
Marjane, une chanson datant de 1941, dans laquelle il est question de ces
nombreuses femmes dont le mari était parti à la guerre, ou bien en Allemagne
pour le STO (Service de Travail Obligatoire). De cette chanson de Jean Casanova
et Rose Noël composée par Paul Durand, elle n’a chanté que deux fois le refrain
et un couplet :
« Je suis seule ce soir avec mes rêves,
Je suis seule ce soir sans ton amour.
Le jour tombe, ma joie s'achève,
Tout se brise dans mon cœur lourd.
Je suis seule ce soir avec ma peine,
J'ai perdu l'espoir de ton retour,
Et pourtant je t'aime encore et pour toujours
Ne me laisse pas seule sans ton amour.
Je viens de fermer la fenêtre,
Le brouillard qui tombe est glacé ;
Jusque dans ma chambre il pénètre,
Notre chambre où meurt le passé.
Refrain
(Dans la cheminée, le vent pleure,
Les roses s'effeuillent sans bruit,
L'horloge, en marquant les quarts d'heure,
D'un son grêle berce l'ennui
Refrain
Tout demeure ainsi que tu l'aimes,
Dans ce coin par toi dédaigné,
Mais si ton parfum flotte même,
Ton dernier bouquet s'est fané.
Refrain)
Ainsi s’est-elle fait le plaisir de reprendre une de ces
chansons dites « réalistes » qu’elle affectionne et dont elle avait
eu le projet d’en faire un album en 2007. Ce fut la troisième chanson de la
première partie.
Autre plaisir qu’elle s’est fait, c’est le medley en hommage
à Mistinguett, à Paris et à ses « petites femmes » qu’elle nous a
livré en début de deuxième partie, juste après Chanson inédite. On peut
penser que ce medley avait été préparé pour le Casino de Paris mais il a trouvé
toute sa place dans le théâtre du Trianon. Il lui a permis de réaliser un autre
de ses rêves : nous donner à voir et à entendre une mini-comédie musicale,
elle qui avait eu le projet d’un spectacle total en 1984, pour fêter ses vingt
ans de carrière, mais qui n’avait pas abouti. Pas très intimiste ? Mais si
dans le sens où c’est à ses amis et à sa famille, en privé, que la chanteuse
offre habituellement son petit numéro (mais son public, ce ne sont pas
exactement ses amis, a-t-elle expliqué, traqueuse). Et qui sait quels échos
cette histoire fait naître en elle? C’est celle d’une « petite femme de
Paris » qu’elle nous a racontée là, en enchaînant de nombreux extraits de
titres de la Miss entre lesquels elle a jeté des ponts : Gosse
de Paris (Je suis née dans le faubourg Saint-Denis), Moi
j’en ai marre, La java, En douce, Une petite belotte, Mon homme et On
m’suit (Je suis une blondinette), pour raconter l’histoire d’une jeune
Parisienne un peu chanteuse qui, après des moments difficiles, rencontre
l’amour avec un beau gars qui va finir par être violent avec elle et la pousser
à le quitter. Elle y gagnera la liberté et la gaité retrouvée…
« Etant née dans le faubourg Saint Denis
Je suis comme la miss une vraie gosse de Paris
Ses refrains tendres et moqueurs
C’est toute ma vie
Je les connais par cœur
Dans la pluie et le vent
J’ai chanté souvent
Moi j’en ai marre
Quand j’avais pas le rond
Et que les bons gueuletons
Se faisaient rares
Mais dans ma détresse
Sans cesse je pensais
Qu’une vie nouvelle
Plus belle
S’amenait
Or un beau jour
Voilà que l’amour
Fit battre mon cœur
Dans un petit bal
Près des Halles
J’ai connu le bonheur
Je danse la java
Avec un beau gars
A qui je dis bientôt
J’aime ta casquette
Tes deux rouflaquettes
Et ton vieux mégot
Tous les deux en douce
Alors on part bras dessus bras dessous
Assis dans la mousse
Il me disait des mots très doux
Pour perdre ma fleur d'oranger
J'ai pas dérangé
Le maire, le curé, le
bedeau
Et des tas d' badauds !
J'ai fait ça en douce
Et j'ai connu sur le gazon
La grande secousse
Et le fameux petit frisson
Et lorsque j'ai chaviré
J'ai rien dit, rien soupiré
Mais j'ai caché ma frimousse
Afin de pleurer en douce
Alors tous les deux
Le cœur amoureux
Nous vécûmes des jours heureux
On se fait une petite belote
Après le dîner
Il me disait c’est pas ma prote
Mieux que le ciné
Quand il gagnait la partie
Il me disait des mots mignons
S’il perdait quelle tragédie
Alors il me flanquait des gnons
Moi je lui disais
Tu peux faire ce que tu veux
T’es mon homme
Sois méchant sois nerveux
Traîne-moi par les cheveux
C’est mon homme
Pourtant un beau jour
Lasse de recevoir des coups
De mon homme
Sans rien dire …
Je l’ai quitté
Je n’avais plus rien
Plus de soutien
Juste un gardien
Mon pauvre chien
Qui m’aimait bien
Et depuis ce temps-là
J’ai eu des hauts des bas
Oui mais le passé maintenant
C’est le passé
Paraît que j’ai la binette
De Mademoiselle Mistinguett
Comme elle n’est que gaité
Je peux chanter
Je suis une blondinette
Une vraie coquette
Et dans tout Paris on m'suit
On m'dit vos petites fossettes
Vot' nez en trompette
Comme il est gentil
Mais oui
Hé, monsieur l'sergent d'ville
Regardez la vie d'ces imbéciles
On m'suit
Ils promettent des châteaux
Des perles et des autos
Et puis ils vous font la peau
Je suis une blondinette
Je suis très coquette
Et dans tout Paris on m'suit… »
Un bien joli moment qui a enchanté le public : comme
quoi, le malheur des uns fait le bonheur des autres ! Et quel plaisir de
la voir s’amuser ainsi…
Enfin, elle a repris Si je n’avais plus de Charles
Aznavour, plutôt que de chanter Je ne
veux que toi ou Quand tu m’aimes qui
figurent sur Diva. Elle a donc gardé
« sous le coude » la nouvelle chanson qu’il a écrite pour elle et
qu’elle nous avait promise pour... plus tard.
« Si je n'avais plus
Si je n'avais plus
Plus qu'une heure à vivre
Une heure et pas plus
Je voudrais la vivre
Au creux de ton lit
Car j'aurais chéri
Ma peur à combattre
Penché sur ta vie
Pour l'entendre battre
Je pourrais garder
Au fond de mon cœur
Sous la terre froide
Un peu de chaleur
Que j'emporterais
Si je n'avais plus
Si je n'avais plus
Plus qu'une heure à vivre
Une heure et pas plus
Je voudrais la vivre
A l'aube d'un jour
Sur un lit d'amour
Pour n'avoir à dire
Que des mots d'amour
Pour te voir sourire
Et ne plus penser
Et ne plus penser
Qu'une autre après moi
Te verras sourire
Qu'une autre après moi
Pourra t'enlacer
Et dans un baiser
Et dans un baiser
Le corps apaisé
Le cœur allégé
D'un million de doutes
Mon dernier sommeil
M'ouvrira la route
Qui mène au soleil ».
Espérons que ces trois moments figureront sur les CD et DVD
qui sortiront d’ici quelques temps pour terminer Le Paris de Michèle Torr et fêter encore un peu ensemble ses
cinquante ans de carrière.
©ED et GD.
http://www.nostendresannees.com/concerts/concert-michele-torr-au-trianon-un-chaleureux-apres-midi-d-automne.html
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