Il aura fallu près de neuf mois pour, semaine après semaine,
retrouver le thème du temps dans plus de cinq cents chansons créées ou recréées
au fil de plus de 55 ans d’une très longue carrière. Un travail de longue
haleine, qui laisse à bout de souffle. Et nous voici arrivés en 2019, date de
la sortie du dernier album de Michèle Torr, Je vais bien. Ce titre,
c’est celui qui a été choisi à plusieurs reprises pour des articles de presse,
à l’occasion d’un retour après des problèmes de santé. Cet album devait être au
départ une compilation de faces B d’anciens 45 tours réorchestrées, remises au
goût du jour, de « belles chansons passées à la trappe » au profit de
tubes restés quant à eux dans les mémoires. Le projet de départ : un
triple album de reprises ; le produit final : un CD de 12 chansons
dont 5 inédits. Pas de faces B mais des
chansons provenant d’albums antérieurs : Les choses de la vie, Romantique
féminine, Sentiments, Rentrer sur scène, Chanson inédite. Deux succès
des années 60 : La grande chanson, ou 70 : Un
enfant c’est comme ça. A cela s’ajoutent La première chanson, Je n’ai plus
le temps, On aurait pu, on aurait dû, Je vais bien et Les
jours heureux. Evidemment, avant de découvrir ces chansons, on croit pouvoir y lire entre les lignes un
message… le message suivant : certes aujourd’hui Je vais bien, mais le temps passe. Il en demeure des regrets (On aurait pu, on aurait dû) et un sentiment d’urgence : Je n’ai plus le temps car le temps, il
n’en reste guère pour retrouver des jours
heureux, ou du moins se les remémorer. Un retour à la première chanson et la boucle est bouclée… C’était donc un
parfum du temps passé, un parfum de temps qui passe, un parfum de temps perdu
qui émanait de ces titres… Un sourire empreint d’une certaine tristesse.
Cet album a des airs de bilan :
« A l’aube d’un nouveau jour
J’établis le bilan
Des bienfaits de l’amour
Des moments bouleversants »
Je vais bien,
bilan des amours passées, pour certaines depuis bien
longtemps :
« J’étais comme un oiseau
Qui découvrait le monde et l’insouciance
Tu étais mon cadeau
Je n’ai pas tout compris c’était trop tôt »,
mais qui restent présentes dans la mémoire :
« Je me retourne
Tu es toujours là
Le temps ne change rien
Tu fais ton chemin
Moi je fais le mien
Ma main dans ta main…
Je me retourne
Tu es toujours là
Puisque tu vis en moi
Le Temps fait son chemin
Adoucit nos chagrins
Et… et je n’y peux plus rien ».
Des regrets en demi-teinte :
« On aurait pu on aurait dû
Mais je n’ai pas voulu
Non je n’ai pas voulu
C’était le temps des rêves
Avant celui des regrets
Comme un cri qui s’élève
Et s’efface dans le passé
On aurait pu on aurait dû
Mais je n’ai pas voulu
Non je n’ai pas voulu
J’ai caché mes colères
Dans les tiroirs de l’oubli
J’ai rangé mes prières
Dans le grand livre de ma vie
Et les larmes n’y pourront rien changer »,
On aurait pu, on aurait dû,
avant Un enfant c’est comme ça (car l’ordre des chansons d’un disque
n’est pas anodin)
et avant que, apparemment, la vie, avant le deuil,
n’organise de douces retrouvailles…
« Des milliers de questions
Ne trouveront jamais une réponse
Des torrents d’émotions
Qui s’envolent dans les nuages du temps ».
Bilan d’amours plus récentes, et mouvementées, avec Je
n’ai plus le temps :
« Ce soir il ne reste qu’un désert
Un désert qui nous ressemble
Ce soir les rôles sont à l’envers
Je déclare la guerre et toi tu trembles
Changer de rêve changer de vie
Tout effacer te mettre en marge
La saison des pluies est finie
C’est décidé je prends le large
Je n’ai plus le temps
De perdre du temps
Je n’ai plus envie
De gâcher ma vie
J’étais aveuglée envoûtée
Tu as bien su en profiter
Je n’ai plus le temps
De perdre du temps
Je n’ai plus envie
De gâcher ma vie
J’étais esclave et maltraitée
Il n’y a pas d’amour sans respect
Ce soir avec tes faux airs d’hidalgo
Tu voudrais donner le change
Ce soir je remets les compteurs à zéro
Même si ça te semble étrange
L’arrache-cœur n’arrache plus
Les mots s’envolent le rêve passe
L’étoile d’or a disparu
Ne vois-tu pas que tout se casse
Je n’ai plus le temps
De perdre du temps
Je n’ai plus envie
De gâcher ma vie
J’étais aveuglée envoûtée
Tu as bien su en profiter
Je n’ai plus le temps
De perdre du temps
Je n’ai plus envie
De gâcher ma vie
J’étais esclave et maltraitée
Il n’y a pas d’amour sans respect
J’étais esclave et maltraitée
Il n’y a pas d’amour sans respect ».
La première chanson évoque un autre temps encore, celui des
premiers pas dans la chanson, avant même d’ « être
chanteuse » :
« La première chanson qui nous a réunis
C’était autour de mes quinze ans
J’avais trouvé les clés du paradis
Elle était si fière ma maman… »,
Elle évoque aussi ce passage de l’enfance à l’âge adulte qui
s’est révélé pour la jeune chanteuse si violent :
« La première chanson que l’on a partagée
Disait C’est dur
d’avoir seize ans… »,
Et puis il y a eu « ce maudit soir de décembre »
« Je me disais sans bien comprendre
C’est mon enfance qui s’achève »,
« Et d’un coup c’était tellement vrai
Elle était si loin ma maman »,
si loin aussi « la petite fille
|qui chantait] la vie dans son jardin »,
avec le décès brutal de sa mère dans un accident de voiture.
« Les malheurs sont imprévisibles
Ça secoue à cent à l’heure »,
Les jours heureux.
Les jours heureux, c’est le titre d’un feuilleton télévisé des
années 60 qui devient celui d’un twist qui, par la magie de la musique, nous
ramène encore à des moments de bonheur aux parfums d’éternité.
« Les jours heureux sont des poussières d’éternité
Je passe ma vie à les chercher
Et pourtant c’est tellement difficile
Les jours heureux sont comme des flashes instantanés
Qu’il ne faut pas laisser filer
Près de vous j’en aurai jamais assez ».
D’abord on croit « Que ça durera toujours »,
l’amour et le bonheur,
« Mais la vie bien trop vite défile
Et les rêves d’une enfant
Ressemblent à des statues d’argile
Qui se brisent au moindre vent »,
on pensait
« …de toute évidence
Que ça durerait toujours », les succès et la gloire,
mais…
Faisant fi de ces pensées qui peuvent avoir un goût amer,
elle nous dit :
« Je n’oublie pas le temps qui passe
Les ennuis et les regrets
Mais quoi qu’on dise quoi qu’on fasse
Jamais je ne renoncerai »,
« … je ne change pas de cible
Vous offrir le fond de mon cœur »,
en sacrifice.
Car c’est par le don de soi qu’on en arrive à ce
constat :
« J’ai connu le succès
Les plus beaux compliments
Et vous m’avez montré
Le plus grand dévouement
Le seul qui dans ma vie jamais ne m’a laissée
Le seul qui dans ma vie jamais ne m’a lésée
Je vais bien
Dans les instants de doute je souris l’air de rien
Je vais bien
Je vais de joies en peines mais le cœur sur la main
Je me vois dans vos yeux
Je vois le lendemain
Grâce à vous je vais bien »,
Je vais bien.
Quand on pense à l’avenir, c’est à demain qu’il vaut mieux
penser
« A l’aube d’un nouveau jour
J’oublie tous les tourments
Et le compte à rebours
De la vie qui m’attend »,
« Je vis au jour le jour
Quitte à feindre l’insolence
Je me fous des toujours
Tant que j’ai l’innocence
Je vais bien
Dans les instants de doute je souris l’air de rien
Je vais bien
Je vais de joies en peines mais le cœur sur la main
Je me vois dans vos yeux
Je vois le lendemain
Grâce à vous je vais bien
Je vais bien
Dans les instants de doute je souris l’air de rien
Je vais bien
Je vais de joies en peines mais le cœur sur la main
Je me vois dans vos yeux
Je vois le lendemain
Grâce à vous je vais bien »,
Je vais bien.
Le problème avec le compte à rebours de la vie qui nous
attend, c’est qu’on ne sait pas où on en est….
Essayons d’oublier le compte à rebours.
Avant même de songer au jour d’après, sachons profiter du
jour présent.
FIN